L’absentéisme touche le secteur privé et la Fonction publique, mais les administrations disposent de moins de leviers que les entreprises pour améliorer la situation. C’est ce qu’il ressort d’un webinaire organisé le 19 juin par le média Miroir social, auquel participait Christian Grolier, secrétaire général de la FGF-FO et de l’Union interfédérale FO-Fonction Publique. AXA restituait à cette occasion les résultats de son Datascope 2025 sur l’absentéisme dans le secteur privé, réalisé à partir du traitement anonymisé des déclarations sociales nominatives (DSN) des clients de l’assureur, observées entre 2019 et 2024, pour plus de trois millions de salariés.
Troubles psychologiques
Les chiffres du Datascope ne sont pas bons. Selon ce baromètre, le taux d’absentéisme (nombre de jours d’absence sur nombre de jours travaillés) des salariés du privé a augmenté de 41% depuis 2019 et de 7% en un an, et nous ne savons pas quand cela va s’arrêter
, notent les auteurs de cette étude.
Cette dégradation touche toutes les catégories de salariés mais en particulier les plus vulnérables. Si le taux d’absentéisme est de 4,5% en moyenne, il est de 5,5% chez les femmes (+8% en un an) et de 6,4% chez les seniors de + de 55 ans (+7%). Cette dégradation tient essentiellement à celle des arrêts de longue durée (+ de 45 jours), dont la fréquence augmente de 7,5% en un an (+32% sur cinq ans), majoritairement en raison de troubles psychologiques.
Dans la Fonction publique, les agents ont été absents pour raisons de santé 12 jours en moyenne en 2023, selon le dernier rapport annuel sur l’état de la fonction publique de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). C’est 2,5 jours de moins que l’année précédente, mais sur le moyen terme, la tendance est à la hausse : quatre jours d’absence supplémentaires depuis 2014, avec une forte augmentation au moment du covid. Les agents de la fonction publique d’État (hors enseignants) se sont absentés 8,4 jours en moyenne en 2023 (soit moins que ceux du secteur privé) ; ceux de l’hospitalière 14 jours et ceux de la territoriale 14,7 jours.
Des métiers durs et qui usent
La DGAFP relève que les agents de la Fonction publique, dans leur ensemble, ont été absents 1,7 jour de plus que les salariés du privé (10,3 jours), sauf donc en ce qui concerne les agents du versant de l’État. Plus globalement, si l’anathème est jeté sur les agents publics et leur absentéisme, Christian Grolier, a au cours de ce webinaire rappelé un contexte. Essentiel pour la compréhension. les effectifs de la fonction publique comportent davantage d’agents âgés et de femmes, et leurs métiers imposent davantage de contraintes physiques et d’horaires de travail atypiques
.
Le secrétaire général de FO Fonction publique relève en outre que les employeurs publics ont peu de marges de manœuvre pour améliorer des situations de travail. Ils ne peuvent pas activer les leviers, tels les salaires ou encore les évolutions de carrières qui sont à la main du pouvoir exécutif ou du Parlement
. En conséquence de quoi, les agents subissent les baisses des enveloppes budgétaires (ce qui réduit les moyens et les effectifs des services, et alourdit la charge de travail des agents, Ndlr), les restructurations de services jamais évaluées et la quasi-disparition de la médecine du travail
de plein fouet. Et de préciser encore : Quand un agent de catégorie C sait qu’il gagnera 100 euros de plus après vingt ans de carrière, il n’y a pas de motivation possible, les managers ne peuvent rien faire
, illustre-t-il. Signe de la dégradation de leurs conditions de travail, des agents démissionnent même sans rupture conventionnelle
, témoigne Christian Grolier.
Il n’y a pas d’arrêts de complaisance
Alors que les salaires des agents sont actuellement gelés et l’ont été pendant de longues années, ce qui induit une perte de pouvoir d’achat sans cesse aggravée, ainsi mis en recul de 31,5% en vingt-cinq ans, l’attractivité des carrières publiques est, elle, en chute libre. Cette situation inquiétante n’a pas empêché le gouvernement d’y ajouter nombre de mesures austères. Entre autres cette année, la diminution, à hauteur de 10%, de l’indemnisation (passant ainsi de 100% à 90%) des arrêts maladie dits ordinaires (jusqu’à trois mois) des agents.
La paupérisation s’ajoute à la maladie
, s’inquiète Christian Grolier s’indignant de ce qui semble l’arrière-pensée ministérielle : un agent en arrêt maladie ne serait pas vraiment malade
. Que les agents malades soient contrôlés à leur domicile, nous n’avons rien contre ; cela démontrera qu’il n’y a pas d’arrêts de complaisance
, martèle le secrétaire général de FO-Fonction publique. En revanche, il est opposé au contrôle des diagnostics des médecins
. Pour Christian Grolier, agir sur l’absentéisme, cela passe notamment par la prévention, donc par la médecine du travail. Notre question est celle des impacts des politiques publiques sur les conditions de travail
, déclare-t-il.
Dans tous les cas, pour FO, les arrêts pour maladie ne sauraient être, pour aucun travailleur, du privé comme du public, de complaisance. Conditions de travail, durée du temps de travail, allongement des carrières avec les réformes successives des retraites, ce cocktail amer n’est pas acceptable.