Dans un mouvement de grève, il y a des bons et des mauvais côtés. Mais maintenant que c’est fini, je ne retiens que les bons
, sourit Anis Rafa, délégué syndical Force Ouvrière au sein de Keolis Meyer. Après 12 jours de mobilisation, c’est une victoire !
se réjouit-il. Le 13 octobre, les conducteurs de cette compagnie de l’Essonne (91) s’étaient mis en grève pour revendiquer une augmentation des salaires. Un accord a été signé le lundi 24 octobre.
Les salariés sont parvenus à arracher une hausse générale de 3 %, avec une rétroactivité à septembre. Nous avons aussi obtenu, pour les NAO de janvier 2023, une base minimum de 3 % d’augmentation. Concrètement, la direction ne pourra pas commencer les discussions avec une proposition de revalorisation des salaires inférieure. Et nous allons être combatifs lors de ces négociations !
, souligne Anis Rafa. L’accord signé limite également l’effet de non-paiement des jours de grève : les salariés peuvent ainsi poser deux jours de congés payés sur cette période de grève et seront impactés financièrement pour les jours de grève non travaillés à hauteur d’un jour déduit par mois.
Le même métier mais pas le même salaire
Ce mouvement a débuté dans un contexte de fusion entre le groupe Keolis Meyer et le transporteur Transdev dans l’optique de répondre à un appel d’offre. Si Transdev remporte l’appel d’offre, nous devrons travailler avec les conducteurs de cette société. Or, ils sont rémunérés 15 euros net de l’heure et nous, 13,24 euros. Pourquoi ce décalage ? Nous faisons le même métier. Nous roulons sur les mêmes lignes. Mais nos salaires chez Keolis sont les plus bas du marché
, s’indigne le militant. Malgré une augmentation de 2,2 % des salaires de Keolis Meyer, adoptée en janvier 2022, l’écart demeurait. Cette possible fusion, ça a été le déclencheur du mouvement, raconte le délégué syndical. Notre objectif lors de la grève a été de combler cet écart.
Pour les grévistes, il a aussi fallu gérer les relations avec les 8 millions d’usagers que transporte Keolis Meyer dont les bus desservent une vingtaine de villes de l’Essonne. Évidemment que notre mouvement a impacté leur quotidien. Lors d’un passage à la télévision, nous nous sommes excusés de la gêne et nous avons expliqué les raisons de notre mobilisation.
Les transports ont repris le 25 octobre, et à travers les réactions que les usagers ont exprimé sur la grève, on comprend qu’ils ont été plutôt compréhensifs
, estime Anis Rafa.
Des pressions de la direction durant la grève
La victoire chez Keolis Meyer est d’autant plus éclatante que les salariés ont dû faire face à une direction sourde à leurs revendications aux débuts de la grève, souligne le représentant FO. La direction est allée jusqu’à avoir recours au lock-out : ils ont cadenassé les portes de l’entrepôt entre le 21 et le 23 octobre.
Cette méthode, utilisée par le patronat lors de grèves ne concernant qu’une partie de l’entreprise, vise à faire pression sur les grévistes, les autres salariés ne pouvant plus travailler. Leur idée était de nous diviser mais cela n’a pas été le cas, rappelle le militant. D’ailleurs, le recours au lock out coïncide avec la date où la mobilisation a été la plus suivie : le vendredi 21, on comptait 190 grévistes puisque ceux qui travaillent à la régulation nous avaient rejoints.
Au début du mouvement, 165 salariés se sont mis en grève, sur les 270 que compte l’entreprise. Mais le 21 octobre, on comptait dans le personnel plus de 70% de grévistes.
La direction n’a pas hésité à assigner les grévistes au tribunal pour avoir bloqué l’entrepôt. Ce que l’on n’a pas fait
, précise Anis Rafa. Si les syndicats ont reçu l’assignation, le protocole de fin de conflit précise qu’aucune poursuite en justice contre les grévistes ne peut avoir lieu. L’accord gomme donc cette menace.
Une victoire pour FO
Depuis le début du mouvement social, le 13 octobre, le piquet de grève avait été installé devant l’entrée des locaux, à Montlhéry. Personnellement, j’ai pu prendre le temps de discuter avec des collègues à qui je n’avais jamais adressé la parole. Ce mouvement nous a permis de nous rapprocher. J’étais nuit et jours sur le piquet, durant presque deux semaines. Sans le soutien de l’union départementale, je n’aurais pas tenu. L’UD était là pour nous soutenir et nous motiver dans les moments les plus durs.
Cette grève marque d’autant plus les esprits que la précédente, d’ampleur au sein de l’entreprise, date de 2013.
Les retombées syndicales de cette récente grève en octobre se font déjà sentir pour FO qui a pris toute sa part à la victoire. En atteignant l’objectif des 3 % de hausse des salaires, et donc en tenant bon sur les revendications, nous avons sensibilisé les salariés à notre action syndicale
souligne Anis Rafa.