Jean Duverdier, né en 1958 à Bayonne, n’est pas n’importe qui. C’est le créateur du célèbre Roi Léon, la mascotte des fêtes de Bayonne. Fêtes regroupant plus de 600 000 personnes, voire plus, chaque été, même si elles ont été annulées en 2020 et 2021 pour cause sanitaire. L’auteur a d’ailleurs publié dix livres d’aventures du Roi Léon à destination des enfants.
Il est aussi dessinateur de presse et caricaturiste, collaborant avec Sud Ouest, Le Quotidien du Tourisme, Toros Mag, Planète Corrida et des journaux municipaux de la région. C’est aussi un musicien de jazz, entre autre. Cette BD préfacée par Victorino Martin Garcia est bilingue, français-espagnol.
Le campo, c’est les champs dans lesquels les toros sont élevés pour les corridas ou pour la reproduction, essentiellement en Espagne et au Portugal, mais aussi en Camargue pour les courses camarguaises. Ces dernières, comme leurs sœurs landaises, n’ont rien à voir avec la corrida classique. En effet, ces courses sont des jeux d’adresses, comme ils en existaient dans la Crète antique, où de jeunes athlètes sautent par-dessus des taureaux ou des vaches (sauteurs, écarteurs, razeteurs, avec ou sans cordes), sans blessures et surtout sans mise à mort.
Une autre vision du monde taurin
Chez Duverdier, ses toros parlent et sont plus humains que les hommes. Ainsi sur la couverture, trois toros sont assis contre un arbre. L’un fait de la guitare avec un petit lapin à ses pieds et un rouge gorge sur la tête, l’autre joue à la Playstation. Quant au troisième, il fait des mots croisés avec une aigrette blanche sur la tête, au milieu de pâquerettes et de boules de pétanques ! Le contexte est donc campé, au campo !
Cette BD est constituée de 80 planches d’un dessin unique et non pas de plusieurs cartouches déclinant une petite histoire. C’est aussi ce qui fait la force de ces dessins.
En page 7, devant une affiche annonçant une grande corrida avec un toréro pointant son épée pour la mise à mort, deux mamans vaches se parlent. L’une dit à l’autre : Le mien j’ai préféré l’inscrire à l’escrime, on ne sait jamais ce que lui réserve l’avenir
. Petit novillo pourra ainsi se défendre à la pointe de son épée ! Quant à un toro reproducteur, il parle au Père Noël et lui glisse à l’oreille : Moi, comme cadeau à Noël, j’aimerais bien toucher des allocations familiales
. Il y a quelques années, la maladie de la langue bleue en Espagne avait eu pour conséquence d’annuler nombre de corridas. Chez Duverdier cela se traduit par des toros qui font la queue pour se faire peindre la langue en bleu par un des leurs. Mais il y a aussi le toro revendicatif arborant trois pancartes : « Halte aux conditions de transport », « La Finca [lieu d’élevage] aux toros », « Dehors les élevages riches ». Sans oublier des toros portant des masques sanitaires et disant Pas de cornadavirus
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Jean Duverdier : Au campo, ed. Malta, 80 p., 19,80 €. |