Les salariés n’ont pas fini de payer l’addition de la gestion de Casino. Six mois après le début du plan social dans le groupe de grande distribution, détenteur notamment des enseignes Monoprix et Franprix, Richard Ramos, délégué syndical central (DSC) FO d’Easydis (filiale logistique du groupe Casino) et ex-DSC groupe Casino, fait part de ses craintes. Ce plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ne suffira pas à assurer la pérennité
de l’emploi chez Casino. Selon lui, on ne pourra pas éviter des restructurations dans la logistique du fait des mutualisations à venir
entre les enseignes. Idem pour les trois sièges sociaux qui ont tous un problème avec leurs fonctions support
. Il redoute également un nouveau PSE au siège de Franprix
. Les salariés de Casino, mais aussi les ex-salarié de Casino, risquent donc de continuer de payer pour les errements de leur ancienne direction.
4 000 licenciements
Cette gestion calamiteuse a déjà abouti au plus grand plan social de 2024 en France. Au cours des six mois, dans le seul périmètre de Casino, 2 400 licenciements. En outre, la cession de tous les hypers et supermarchés de Casino a entraîné le transfert de 20 000 salariés vers Intermarché, Auchan et Carrefour, où se multiplient discrètement les démissions et licenciements pour inaptitudes. Richard Ramos évalue les dégâts à 4 000 licenciements si l’on compte ceux dans les anciens magasins de Casino repris par d’autres enseignes
.
D’autres licenciements sont à venir. Le 13 mai à l’Assemblée nationale, Richard Ramos a ainsi exprimé ses craintes que le futur PSE à Franprix soit encore moins favorable que celui de 2024, de surcroît avec une représentation du personnel affaiblie. Les syndicats signataires –dont FO– du PSE de 2024 –en fait sept PSE dans autant de sociétés– avaient obtenu des congés de reclassement et des indemnités de licenciement améliorés par rapport à la loi. Notre position était qu’il fallait préserver l’emploi et, lorsque ce n’était pas possible, proposer l’accompagnement le mieux-disant possible
, explique Richard Ramos, qui sera lui-même licencié fin 2025.
Enquête de l’Assemblée nationale sur les défaillances
Devant la multiplication des plans de licenciements en France, des députés ont monté une commission d’enquête afin de faire la lumière sur d’éventuelles défaillances des pouvoirs publics
. Les représentants du personnel de Casino, dont Richard Ramos, étaient donc auditionnés le 13 mai. Cette audition a surtout été l’occasion d’exposer les défaillances de l’ancienne –et dans une moindre mesure de la nouvelle– direction de l’entreprise, des pouvoirs publics, mais aussi les angles morts du droit du travail.
Alertes sans suite
Bien avant le plan social, nous avons émis de nombreuses alertes, mais cela n’a servi à rien
, regrette Angélique Bruneau, secrétaire générale adjointe de la Fédération générale FO des travailleurs de l’alimentation, des tabacs et des services annexes (FO-FGTA). Dans une déclaration conjointe avec d’autres syndicats, lue devant la commission, Richard Ramos a ainsi pointé la communication mensongère
de l’ancienne direction pour tromper les marchés sur la situation économique de l’entreprise. Est pointé la validation de ses comptes mais aussi le silence du ministère de l’Économie malgré les différentes alertes des représentants du personnel en comité social et économique
. Les députés ont demandé les traces écrites de ces alertes. Est critiqué aussi l’attitude du Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) censé aider les entreprises en difficulté mais en fait plus préoccupé par la restructuration financière
. Incompréhensible aussi aux yeux des syndicats l’absence d’alerte de tous les membres du conseil d’administration
. Richard Ramos a pointé, à ce propos, la trop faible représentation des salariés dans les conseils d’administration des entreprises.
Contrôles insuffisants de l’administration
Lors de cette audition, le délégué FO a également souligné l’inadaptation du code du travail et de l’administration à un plan social de cette ampleur, dans un contexte d’affaiblissement progressif du rôle des instances représentatives du personnel
depuis les ordonnances Macron de 2017. Il ressort que le délai de survie (15 mois) des accords de l’entreprise d’origine, en cas de reprise des salariés par une autre entreprise, est trop court. La durée légale de négociation d’un PSE n’est pas adaptée à une grande entreprise
note-t-il encore. Les contrôles et l’accompagnement des pouvoirs publics sont insuffisants faute de moyens
dans les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) et à France travail souligne-t-il aussi, précisant que les Dreets ne se sont pas coordonnées entre elles lors de ce PSE sur plusieurs territoires. Et d’indiquer encore que le congé de reclassement est trop court et trop faiblement indemnisé. Quant aux cabinets de reclassement, ils ne sont pas soumis à une obligation de résultat.