Branislav Rugani, la CES a tenu la barre, extraits de ses interventions à Berlin
Nous voilà arrivés au terme du mandat 2019-2023 du secrétariat de la Confédération européenne des syndicats. (...) La CES a tenu la barre malgré les crises qui se sont succédé et qui ont frappé de plein fouet les travailleurs et leurs familles, y compris au prix de leur vie pour un trop grand nombre d’entre eux, de la pandémie du Covid-19 à la crise du coût de la vie ou encore la guerre en Ukraine, qui ne cesse de menacer la vie de nos camarades en Ukraine mais également la perspective de paix sur le continent européen.
Malgré le confinement du monde entier face à la pandémie, la CES s’est rapidement adaptée pour soutenir le plus effectivement possible ses affiliés dans leur combat pour la protection des travailleurs et nous savons aujourd’hui nous en rappeler. Mieux, la CES a enchaîné des victoires sensibles dans plusieurs dossiers européens lors du précédent mandat, (...) la CES l’a fait, avec l’appui de l’ensemble de ses affiliés, avec la directive de l’Union européenne sur les salaires minimums adéquats en Europe. Elle a récidivé avec la directive de l’UE sur la transparence salariale dans le but de combler les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, qui persistent encore aujourd’hui et qui demeurent inadmissibles.
Faire de la construction européenne une Europe des travailleurs synonyme de paix, de progrès social et de justice sociale
Mais comme toute dynamique au niveau européen, cela prend des années et les victoires d’hier, d’aujourd’hui ou de demain reposent sur la mobilisation constante de la CES et de ses affiliés, au niveau européen et national, année après année, mandat après mandat, congrès après congrès, avec un objectif très clair. Un objectif que la Confédération Générale du Travail – Force Ouvrière partage : faire de la construction européenne une Europe des travailleurs synonyme de paix, de progrès social et de justice sociale.
Au-delà de la réactivité aux crises qui continueront de traverser le monde et le continent européen dans les prochaines années, force est de constater que la CES et ses affiliés ne sont pas restés inactifs, comme le démontre le nombre de résolutions construites ensemble et adoptées ces dernières années au sein du Comité exécutif de la CES. (...) Elles sont le témoin de la richesse et de la force du mouvement syndical européen (...).
Sur la charte des valeurs de la CES : FO s’abstient
Merci tout d’abord au président sortant de la CES pour avoir introduit ce débat, il y a de cela quelques mois seulement, mais qui a permis d’amorcer une réflexion plus large et ô combien essentielle sur les valeurs de la CES à l’occasion de son 50e anniversaire. Je ne reviendrai pas sur le document, mon organisation s’étant déjà exprimée pour expliquer pourquoi elle s’abstiendra dessus lors du congrès.
Je souhaiterais cependant réaffirmer l’engagement de la Confédération Générale du Travail – Force Ouvrière, membre fondateur de la CES et première et seule organisation syndicale française parmi ses fondateurs, dans les valeurs et l’esprit à l’origine de la fondation de la Confédération européenne des syndicats. Cet engagement européen fait partie de l’ADN de Force Ouvrière, il a également marqué cette année son 75e anniversaire. Cet engagement européen fut incarné notamment par Léon Jouhaux, fondateur de FO, prix Nobel de la paix en 1951 pour son engagement pour la paix en Europe et président du mouvement européen France à sa fondation, ou encore par Alfred Misslin, syndicaliste FO, membre du premier secrétariat confédéral de la CES chargé des jeunes et des femmes, clairement en avance sur son temps.
Pour FO, l’indépendance syndicale et non l’autonomie
Je voulais revenir sur une valeur fondamentale à l’origine de la CES, qui nous semble pourtant quelque peu dévoyée dans cette Charte des valeurs, celle de l’indépendance syndicale. Certes affirmée par la CES en 1973 dans un contexte historique marqué par la guerre froide, la valeur d’indépendance syndicale s’inscrit dans un courant historique et syndical qui précède les grands conflits du XXe siècle. Il renvoie par exemple en France à la Charte d’Amiens de 1906, un des textes fondamentaux du syndicalisme français encore aujourd’hui, et auquel nos adhérents sont profondément attachés. Indépendance ne signifie pas autonomie et il nous est donc inconcevable de soutenir un texte qui parle d’autonomie vis-à-vis des pouvoirs politiques et économiques ! Pour FO, l’indépendance syndicale vis-à-vis de toute structure ou influence extérieure est une nécessité et la condition indispensable à la représentation et à la défense efficace et permanente des droits et intérêts matériels et moraux des travailleurs, salariés actifs, chômeurs et retraités.
Pour un syndicalisme libre et indépendant, tel fut le slogan à l’origine de la Confédération européenne des syndicats et de la Confédération internationale des syndicats libres, qui devint la Confédération syndicale internationale ! (...) Même si FO s’abstient sur cette charte, cela ne l’empêchera pas d’œuvrer à l’avenir pour le rappel et la réaffirmation des valeurs fondamentales de la CES ! Encore une fois, vive la Confédération européenne des syndicats, vive le syndicalisme libre et indépendant !
Frédéric Souillot, FO revendique une autre Europe
Il est indispensable dans les moments que nous vivons d’avoir une Confédération européenne des syndicats en pleine forme ! Engagée, déterminée pour améliorer les droits et les conditions de vie des travailleurs partout en Europe. (...) Mais l’idée européenne n’est pas toujours allée de soi. L’Europe, on adore aussi la détester. Au fil du temps, nous sommes devenus plus critiques sur les orientations prises par l’Union européenne, quand l’Europe des marchés, l’Europe du libre-échange, l’Europe de la concurrence, l’Europe de la finance dérégulée a pris le pas sur l’Europe sociale, générant au passage plus de chômage, plus de précarité et des inégalités croissantes. Mais jamais nous n’avons renoncé à notre engagement européen. Comme jamais nous ne renoncerons à défendre nos revendications ! Avec la CES, FO continuera de se battre contre un retour de l’austérité imposée à l’ensemble des États membres de l’Union. FO revendique une autre Europe, qui donne la priorité à la réindustrialisation, aux relocalisations, à une transition climatique mise au service des travailleurs, une Europe facteur de progrès social.
Avec la CES, nous bataillons pour préserver nos services publics, nos modèles sociaux. (...) Esther était avec nous lors des mobilisations récentes, massives, que nous avons organisées en France. Avec l’ensemble des organisations réunies en intersyndicale, nous bataillons pour faire tomber la réforme des retraites (...). Avec la CES nous continuerons de batailler face à une inflation galopante, par la négociation collective et par la grève quand c’est nécessaire ! Pour obtenir des augmentations de salaires, pour maintenir notre pouvoir d’achat, pour obtenir de meilleurs emplois. Il est grand temps que les travailleurs obtiennent leur juste part des gains de la croissance, car il n’y aura pas de croissance durable sans justice sociale !
Ensemble pour une économie populaire et favorable à la planète, par Christine Besseyre
La révision de la gouvernance économique de l’UE doit être la mère des batailles en Europe ! Il est temps de dire stop à l’austérité !
, et de construire un véritable rapport de force pour éviter le retour aux règles passées, avec le chantage aux réformes contraires aux intérêts et droits des travailleurs, contraires au Socle européen des droits sociaux, contraires à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ! Limiter la casse n’est pas suffisant et une large campagne syndicale européenne doit voir le jour pour contrer le retour à l’austérité !
Ensemble pour une CES plus forte, par Françoise Chazaud
La voie à une interaction approfondie entre la CES et le CESE européen (...) est plus que jamais nécessaire. Les tentatives se multiplient aujourd’hui pour diluer la voix syndicale dans celle de la société civile ou bien pour faire émerger une prétendue « démocratie directe » à la place de la démocratie représentative où les interlocuteurs sociaux, et les organisations syndicales en particulier, seraient remplacés par des citoyens tirés au sort. Là où certains essaieraient de faire disparaître le dialogue social au profit du dialogue civil, bien certainement au profit des employeurs et des plus privilégiés, FO souhaite y opposer une CES plus forte ! (...) Renouons avec des campagnes syndicales européennes bien visibles pour construire des rapports de force bien plus efficaces à l’avenir ! Ensemble, nous sommes plus forts !
Ensemble pour notre avenir européen, par Paul Ribeiro
Pour FO, il ne peut y avoir d’avenir européen sans remettre, enfin, la construction européenne sur la voie du progrès social ! Non à l’Europe des marchés, oui à l’Europe des travailleurs ! (...) Sans une industrie forte, il ne peut y avoir d’Europe forte à l’avenir ! (...) L’affirmation du principe d’autonomie stratégique de l’UE, et des États membres, nous pousse certainement vers la responsabilisation et le raccourcissement des chaînes de valeur. Le mouvement syndical européen doit poursuivre ses efforts pour une directive ambitieuse de l’UE sur le devoir de vigilance et pousser l’UE et les États membres à soutenir l’adoption d’un traité contraignant aux Nations unies sur les entreprises et les droits de l’Homme.
Ensemble pour le renouveau syndical, par Rachèle Barrion
En France, en 2021, c’est plus d’un travailleur sur trois qui ne se syndique pas de peur de représailles de son employeur, selon l’OIT et le Défenseur des droits. (...) Atteindre plus largement les travailleurs (...) nécessite non seulement l’engagement politique de nos organisations, mais également une réelle expertise que nous façonnons et renforçons tous les jours grâce à la formation syndicale pour laquelle il nous faut investir massivement, bien entendu avec l’appui de l’Institut syndical européen pour la recherche ! La formation est et restera le plus bel outil d’émancipation pour la classe ouvrière et de développement pour les organisations syndicales.
« Pouvoir aux jeunes syndicalistes ! »
La Confédération Force Ouvrière était présente à Berlin dès le vendredi 19 mai pour participer à l’événement intitulé « Pouvoir aux jeunes syndicalistes ! », organisé conjointement par le Comité Jeunes de la CES et les jeunes du DGB. Cet événement, étendu du 19 au 21 mai, a été l’occasion de réunir une centaine de jeunes syndicalistes à travers l’Europe tout entière, du Portugal à l’Ukraine, pour parler de renouveau syndical et de l’avenir du mouvement syndical européen.
Au-delà d’échanges bouillonnants entre les participants sur leur expérience nationale, permettant d’esquisser un tableau unique avec des défis communs malgré des réalités nationales bien différentes, plusieurs groupes de travail ont été organisés, notamment autour de l’axe de la syndicalisation des jeunes. Les manifestations et les grèves, la syndicalisation dans le secteur de la restauration rapide et des travailleurs des plateformes, ou encore la communication syndicale vis-à-vis des jeunes ont été longuement abordées au cours de ces jours.
Force Ouvrière, représentée par Romain Lasserre, a non seulement pu participer à l’événement et échanger avec de nombreux jeunes syndicalistes, mais elle a également pu témoigner de la lutte syndicale contre la réforme des retraites en France, de l’enjeu des retraites pour les jeunes travailleurs et de l’importance de la solidarité intergénérationnelle. Elle a également pu évoquer les travaux menés par FO sur le développement syndical en lien avec le forum des 4 et 5 avril derniers.
Lors des groupes de travail, FO a évoqué également la situation des travailleurs des plateformes en France et les efforts de la confédération, en appui du syndicat FO-Just Eat, pour la mise en place du premier comité d’entreprise européen au sein d’une plateforme numérique de travail où les jeunes sont surreprésentés.
Cet événement a également permis l’expression de nombreux messages de solidarité des jeunes syndicalistes européens et en premier lieu envers les syndicalistes et travailleurs en Ukraine, toujours engagés dans la guerre contre la Fédération de Russie. Les jeunes syndicalistes européens ont également témoigné de leur soutien aux syndicats italiens CGIL-CISL-UIL, mobilisés le 20 mai à Naples pour défendre les droits et le pouvoir d’achat des travailleurs en Italie.
Le Comité Jeunes de la CES s’est ensuite réuni le 22 mai, à la veille du lancement du congrès. L’occasion d’aborder l’avancée de la campagne syndicale pour des stages de qualité en Europe, les projets d’intervention de la délégation du Comité Jeunes de la CES au congrès et les prochaines activités du Comité Jeunes sur la précarité et le temps de travail.
La délégation FO pour le congrès est arrivée le même jour à Berlin, le temps d’obtenir les badges, de discuter des interventions à venir au congrès en défense du mandat FO, avant un réveil aux aurores pour un démarrage très tôt du congrès en raison de l’intervention du chancelier fédéral allemand Olaf Scholz dans la matinée.