Selon l’article L 2314-5 du code du travail, doivent être invités par courrier à négocier le protocole d’accord préélectoral (PAP), et à établir les listes de leurs candidats aux fonctions de membre de la délégation du personnel, les organisations syndicales reconnues représentatives dans l’entreprise ou l’établissement, celles ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise ou l’établissement, ainsi que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel.
Dans le cadre de l’organisation des élections professionnelles, un employeur invite les organisations syndicales à négocier un protocole d’accord préélectoral. Aucun syndicat ne s’étant présenté à la négociation, l’employeur a organisé seul le scrutin. Un procès-verbal de carence est établi.
Mais après les élections, un syndicat saisit le tribunal judiciaire d’une demande d’annulation des élections. Il explique avoir informé l’employeur de la création d’une section syndicale dans l’entreprise, mais n’a pourtant pas été invité à négocier le PAP.
Pour l’employeur en revanche, il ne lui appartenait pas d’inviter le syndicat aux négociations. Il a estimé que dès lors qu’au jour de la négociation, le syndicat ne justifiait pas que sa section syndicale comportait au moins deux adhérents, il n’était pas tenu de l’inviter.
Le tribunal judiciaire fait droit à la demande d’annulation des élections. Pour lui, le syndicat établit avoir avisé l’employeur de la création d’une section syndicale au sein de l’entreprise, ce dont il résultait que l’employeur aurait dû l’inviter.
Pour les juges du fond en effet, le syndicat a démontré qu’à la date des négociations du PAP, l’employeur avait connaissance de l’existence d’une section syndicale.
L’employeur aurait dû agir en justice afin de contester l’existence de la section s’il voulait valablement se soustraire à l’obligation d’inviter ce syndicat à la négociation du PAP.
L’employeur se pourvoit en cassation.
Un employeur qui n’a pas contesté l’existence de la section syndicale avant l’engagement des négociations du protocole préélectoral, doit-il nécessairement inviter le syndicat ?
La Cour de cassation répond par la négative (Cass. soc., 8-12-21, n°20-16696). Elle ne retient pas l’analyse des juges du fond et considère que :
– d’une part, l’existence d’une section syndicale peut être contestée à l’occasion de la négociation du protocole préélectoral,
– d’autre part, il appartenait au syndicat de justifier que la section syndicale comportait au moins deux adhérents, y compris lorsque c’est l’employeur qui conteste l’existence de la section.
La solution n’est pas étonnante. La Haute juridiction a déjà jugé que c’est au syndicat de rapporter la preuve qu’il dispose d’au moins 2 adhérents (Cass. soc., 1-4-15, n°14-18504).
Pour mémoire, afin de constituer une section syndicale, il faut (art. L 2142-1 du code du travail) que :
– le syndicat soit légalement constitué depuis au moins 2 ans,
– qu’il justifie d’au moins deux adhérents.
– il doit être représentatif dans l’entreprise, ou :
- affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel
- ou satisfaire aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance.
Comment apporter la preuve de l’existence de 2 adhérents ?
La difficulté, qui peut être rencontrée dans les litiges relatifs à la preuve du nombre d’adhérents, est qu’il reste important de protéger l’identité des adhérents.
Afin de respecter la vie privée des adhérents et le droit de la défense de l’organisation syndicale, d’une part, et le respect du contradictoire d’autre part, la Cour de cassation a précisé que :
– En cas de contestation sur l’existence d’une section syndicale, le syndicat doit apporter les éléments de preuve utiles à établir la présence d’au moins 2 adhérents dans l’entreprise, dans le respect du contradictoire, à l’exclusion des éléments susceptibles de permettre l’identification des adhérents du syndicat, dont seul le juge peut en prendre connaissance (Cass. soc., 8-7-09, n°09-60011). Tels peuvent être les cas par exemple, de la photocopie des cartes d’adhésion (où sont masqués les éléments d’identification), du listing du nombre de timbres dans l’entreprise, etc.
– L’exclusion du contradictoire se limite aux éléments d’identification des adhérents, et ce, pour éviter toute tentative de représailles de l’employeur sur les adhérents (Cass. soc., 13-2-13, n°12-17655).
– Lorsque des salariés s’opposent à la révélation de leur adhésion, il appartient au juge d’aménager la règle du contradictoire, en autorisant le syndicat à lui fournir non contradictoirement les éléments nominatifs de preuve dont il dispose (Cass. soc., 14-12-10, n°10-60137).
Une question demeure en suspens : faut-il être à jour de ses cotisations pour avoir la qualité d’adhérent ? Le syndicat devra-t-il fournir en justice les chèques ou un relevé de compte attestant du paiement à jour des cotisations ? Un arrêt d’espèce, à la portée incertaine, semble aller en ce sens (Cass. soc., 18-6-19, n°19-18442). Nous ne l’espérons pas : le paiement à jour des cotisations concerne uniquement le syndicat !