Le plan d’investissement : une coquille vide
La situation de l’économie européenne est connue : croissance proche de zéro, emploi en berne, près de 26 millions d’européens au chômage, déclin de l’investissement public et privé… Pour sortir du marasme, Force Ouvrière avec la CES revendique un plan d’investissement ambitieux au niveau européen de l’ordre de 2% par an du PIB européen.
Cette proposition sur la table depuis plus d’un an semblait avoir trouvé un écho en juillet dernier lorsque le Président désigné de la Commission avait annoncé la mise en œuvre d’un plan d’investissements publics et privés de 300 milliards d’euros sur 3 ans (voir lettre électronique numéro 21). FO a déjà souligné que cette proposition reste largement en deçà du Plan d’investissement proposé par la CES mais attendait d’en connaitre les modalités. Les craintes étaient fortes qu’il s’agisse d’une coquille vide, sans argent frais injecté dans l’économie, à l’image de ce qui avait été proposé en 2012 dans le cadre du Pacte de croissance négocié par le président français en échange de sa signature du TSCG.
Et c’est hélas que ce qui en train de se dessiner. Le Conseil européen de décembre a entériné la proposition de la Commission pour réunir jusqu’à 315 milliards d’investissements en trois ans. Mais pas question de recourir à l’endettement : d’un côté, les marges de manœuvres nationales sont faibles, car enfermées dans le carcan budgétaire européen et de l’autre, l’UE elle-même, peine à boucler son budget et celui-ci ne peut pas être en déficit.
Dès lors, pour parvenir au chiffre de 315 milliards, Juncker mise donc surtout sur l’investissement privé. Les investisseurs privés seraient garantis par l’Union par le biais d’un « nouveau » fonds européen de 20 milliards d’euros placé sous le contrôle de la Banque européenne d’investissement (BEI) et abondé par des crédits déjà inscrits dans le budget européen. Juncker mise ensuite sur d’hypothétiques « effets de levier » (jusqu’à 15 euros d’investissement privé collecté pour 1 euro d’argent public engagé). L’engagement de la BEI permettrait d’attirer des investissements privés.
Utilisation de fonds existants, faiblesse du montant global, conditionnalité dangereuse, la promesse du plan d’investissement fait pschitt. La nouvelle Commission rate donc l’occasion de mettre l’Europe sur de nouveaux rails. Les taux d’intérêt en Europe n’ont jamais été plus bas, ce qui constitue une réelle opportunité pour financer un ambitieux plan d’investissement. Pour FO, la revendication demeure : plus d’investissements publics pour plus d’emplois, plus de justice sociale et une croissance solide et durable.
La Commission doit désormais présenter une proposition que les législateurs de l’Union (Conseil de l’UE et Parlement) seront invités à adopter d’ici le mois de juin, afin que les nouveaux investissements puissent être activés dès la mi-2015. Des formes de conditionnalité risquent d’être proposées : lier l’obtention des fonds à la réalisation de « réformes structurelles », notamment du marché du travail. Pour FO, il serait bien entendu inacceptable que les États se retrouvent dans la situation d’échanger le financement de projets d’investissement contre plus de flexibilité ou de nouveaux renoncements à des droits sociaux.
L’austérité encore et toujours
La même semaine, la Commission donnait son avis sur les budgets nationaux, avec notamment en ligne de mire son appréciation du budget français. Deux jours après le plan d’investissement, la commission présentait son examen annuel de la croissance, document qui lance la procédure du semestre européen (voir lettre électronique numéro 23). Elle reconnaît que la reprise est moins importante qu’attendue et préconise le maintien de l’austérité et des réformes structurelles. Dans la même veine, son avis sur les budgets nationaux était attendu.
Dans le cas de la France, la commission a accordé un délai de trois mois au gouvernement français pour faire la preuve de son engagement en faveur de la réduction du déficit et la mise en œuvre de nouvelles réformes...
Le courrier adressé par le premier ministre à la commission le 21 novembre répond directement à cette attente ; c’est ainsi que le projet de loi Macron sur la croissance et l’activité participe directement à la prise en compte par le gouvernement français des recommandations entérinées par le conseil de l’UE en juillet dernier.
La pression sur les réformes structurelles y était forte. Cette pression s’est accentuée début décembre avec la présentation du rapport franco-allemand demandé par les ministres de l’économie allemand et français, dont les recommandations vis-à-vis de la France visent notamment les salaires, à travers la remise en cause des négociations annuelles obligatoires (qui deviendraient triennales) et une nouvelle attaque contre les règles de revalorisation du Smic (qui ne dépendrait plus des prix et du salaire moyen mais de la productivité).