Une journée marquante pour les salariés de la clinique Inicéa de l’Estran, du groupe Clariane (ex-Korian), située à Siouville-Hague dans la Manche. Le 2 octobre Certains et certaines ont fait grève pour la première fois de leur carrière
, souligne Edwige Lechat, aide-soignante et déléguée syndicale FO. La colère venait de loin, estime la militante citant une dégradation des conditions de travail et l’absence de revalorisation salariale déjà patentes. Mais c’est la nouvelle organisation du travail, dite de référence, prévue pour entrer en vigueur en janvier 2026, qui a été le déclencheur de la grève.
Ce dispositif, est présenté par la direction comme une nécessité d’harmonisation des organisations, au nom de l’équité, de la transparence de la qualité des soins et de la saine maîtrise des coûts
. Pour FO, qui a appelé à cette grève, cette réorganisation mettrait surtout en danger les personnels et les patients. C’est une machine à pressuriser le personnel soignant
, cingle la militante.
Le refus de la norme du sous-effectif
Cette réforme a déjà été appliquée au sein des Ehpad du groupe en mettant en place un ratio soignant/patients. Au sein de la clinique, cela se traduirait par une diminution des effectifs. J’ai clairement demandé en CSE si cette réorganisation ne cachait pas des suppressions de postes. On ne m’a pas répondu oui, mais c’était impossible de dire non, cela aurait été mentir. Dans les faits, on perdrait des soignants.
Le taux d’encadrement ne correspond pas forcément en effet à la réalité de nécessité des soins. Ainsi, selon le plan, il est précisé que la nuit, il faudrait désormais un aide-soignant (AS) et un infirmier (IDE) pour 35 patients, 25 en neurologie. Or, actuellement, la nuit, on tourne avec 4,8 ETP (équivalent temps plein) soignants. Avec cette réforme, on nous supprimerait 0,8 ETP. La journée, on nous enlèverait deux postes d’IDE et deux postes d’AS considérés comme
. Comme beaucoup de personnels du site, la militante s’inquiète de la dégradation des conditions de travail qui en découleraient ainsi que des répercussions sur la sécurité et le bien-être des patients. de trop
’ ! Comme pour les Ehpad du groupe, les départs en retraite et arrêts maladie ne seraient pas remplacés. Autrement dit, travailler en sous-effectif deviendrait la norme.
, peste la militante.
FO dit Non aux pauses non payées
Cerise sur le gâteau, les élus ont découvert un changement de taille lors des négociations annuelles obligatoires (NAO). Désormais, la nuit, les deux heures de pause ne seraient plus rémunérées. Pour les soignants, cela signifie que les 12h de travail seront désormais payées comme 10h,
Autre aberration, ce non-paiement d’heures aggraverait un peu plus le sous-effectif, insiste la militante. En effet, les deux heures de pauses n’étant pas rémunérées, le soignant peut donc quitter l’établissement sur cette période. Donc la nuit, quand bien même il y aurait 4 soignants d’inscrits au planning, en tenant compte des pauses, ils ne seraient en fait que trois la plupart du temps.
Et ce dans un établissement qui compte 115 lits.
Des salaires bien trop faibles, rappelle l’UNSP-FO
La mobilisation a été soutenue par l’UNSP-FO. Dans un communiqué, l’Union déplore cette réorganisation de référence. Dans certains établissements, ce sont jusqu’à neuf équivalent temps plein (IDE/AS) qui pourraient disparaître. Comment assurer une
qualité de soin
avec moins de soignants auprès des patients ? Pour FO, c’est tout simplement impossible : une telle réorganisation met en danger aussi bien les personnels que les patients.
Concernant la « saine maîtrise des coûts », FO rappelle que ce n’est pas aux salariés d’en porter la responsabilité. D’autant que ceux-ci n’ont pas bénéficié de revalorisation conventionnelle depuis des années. Les ASH et les AS ont aujourd’hui un salaire conventionnel mensuel inférieur au Smic.
Il a fallu cette mobilisation pour que l’on daigne nous écouter
Le 2 octobre, la grève devait débuter dès minuit. Mais à 21h, le 1er octobre, la direction est arrivée avec une réquisition préfectorale imposant un service minimal. Deux soignants, un infirmier et un aide-soignant ont donc été réquisitionnés. Mais les personnels grévistes sont restés en soutien.
Et avec une détermination non entamée par cet acte d’intimidation. Ainsi, au matin, ils étaient plus d’une trentaine de salariés devant l’établissement. Rejoints à l’heure du midi par d’autres, notamment les kinés qui cependant ne sont pas concernés par cette réorganisation, pour l’instant
, souligne Edwige Lechat.
Le jour-même, une délégation a été reçue par la direction et d’autres rencontres étaient à venir. Il a fallu cette mobilisation pour que l’on daigne nous écouter, constate la déléguée syndicale FO. Et c’est la pratique dans tout le groupe.
Les personnels d’autres cliniques appartenant au groupe ont d’ailleurs commencé, aux aussi, à se mobiliser.