Robert, professeur de philosophie aux idées révolutionnaires, se fait embaucher comme ouvrier spécialisé chez Citroën. En 1968, après les accords de Grenelle, tout le monde a repris le travail. Si les salaires ont été augmentés, l’ambiance est loin d’être au beau fixe. Management autoritaire, racisme omniprésent envers les travailleurs immigrés, prévention et santé au travail absentes : le travail est dur et aliénant. Robert trime comme les autres, malgré ses diplômes et sa frêle stature. L’intellectuel s’arrache la peau des doigts sur les portières de 2 CV dont il vérifie la conformité, au point d’être surnommé La Momie. En voix off, son récit le repositionne régulièrement comme l’observateur-participant qu’il est.
Car son objectif à lui n’est pas de gagner sa vie dans l’usine. Même s’il a abandonné son poste à la fac. Ce qu’il veut, c’est déclencher le soulèvement des ouvriers contre l’ordre établi. Une décision du patron de l’usine de la porte de Choisy d’augmenter de 45 minutes le temps de travail quotidien afin de rembourser des avances sur salaire des mois de grève va fournir l’occasion de générer la fronde.
Des sources quasi ethnographiques
Le film est une adaptation du livre du même titre dans lequel Robert Linhart raconte son année chez Citroën et la grève en question. Au-delà des positionnements politiques, il y décrivait le travail à la chaîne, ses souffrances, les humiliations au quotidien mais aussi les espaces d’humanité et de résistance qui s’y déploient. Certains des personnages du film sont ceux qu’il a côtoyés et dépeints, même si le réalisateur prend quelques libertés avec le récit initial.
Swann Arlaud est remarquable dans son rôle de bourgeois pré-révolutionnaire cherchant à comprendre le travail ouvrier de l’intérieur et s’interrogeant en permanence sur sa responsabilité. A contre-emploi, Denis Podalydès incarne un directeur d’usine malin et tout puissant, pas tout à fait sans cœur mais implacablement dominant.
Une chaîne des années 1960 reconstituée
Quant au réalisateur, Mathias Gokalp, il prend le temps de planter longuement le décor, filmant la chaîne de montage et les gestes accomplis dans les différents ateliers. Pour ce faire, une usine a été reconstituée dans les friches Michelin de Clermont-Ferrand. On a rempli de grands hangars avec les outillages d’usine en cessation d’activité de la région, explique-t-il. Et nous avons travaillé avec des véhicules de collection qui ont été entièrement démontés pour être réassemblées sur la chaîne pendant le film. Des fabricants ont aussi fourni des pièces neuves, les carrosseries brutes et les portières.
Le tout est mis en musique par Flemming Nordkrog, avec une ligne de percussions qui fait écho à celle de la chaîne. A découvrir pour se replonger dans une époque pas si lointaine. Tellement différente ?