Les multinationales dont le chiffre d’affaires mondial s’élève au moins à 750 millions d’euros, doivent divulguer publiquement les informations sur les impôts qu’elles paient dans chaque pays, partout dans le monde
ont estimé les députés européens.
Ils ont adopté (par 534 voix pour, 98 contre et 62 abstentions) et après un certain nombre d’amendements, la proposition de directive faite par la Commission européenne dans la foulée des scandales Luxleaks et Panama Papers. Ce nouveau texte dont l’objectif affiché est de lutter plus efficacement contre l’évasion fiscale devrait rentrer en application en 2018. L’évasion fiscale coûte chaque année aux pays de l’Union européenne entre 50 et 70 milliards d’euros en recettes fiscales perdues, selon les chiffres de la Commission européenne.
Côté transparence
Concrètement, les informations relatives à l’impôt sur les bénéfices des grandes multinationales [*] seraient publiées selon un modèle commun et accessible gratuitement pour tout citoyen sur le site internet de l’entreprise. L’entreprise devrait par ailleurs remplir un rapport dans un registre public géré par la Commission européenne.
La proposition de la commission européenne prévoit l’obligation pour les multinationales de rendre public le montant des impôts qu’elles payent en le détaillant pays par pays quand il s’agit d’États membres de l’Union européenne, mais n’exige qu’un chiffre global pour le reste du monde.
L’un des amendements adoptés par le Parlement européen vise à ce que l’obligation d’une déclaration détaillée pays par pays s’applique au-delà des limites de l’Union européenne, dans toutes les nations du monde où les multinationales concernées ou leurs filiales ont une activité.
Sur ce point, le Parlement est donc allé plus loin que la Commission dans la voie d’une plus grande transparence, se félicite la CES (Confédération européenne des syndicats).
Mais, à l’inverse, un autre amendement redonne l’avantage à l’opacité, dénonce-t-elle.
Côté opacité
Les députés européens ont en effet adopté le principe d’une clause échappatoire
. Celle- ci permet aux multinationales d’être exemptées par les États de l’obligation de fournir une ou des informations sensibles du point de vue commercial
.
Opposée à cette clause dès l’origine, la CES a soutenu un amendement qui au moins
imposait au un délai (de deux à quatre ans) au-delà duquel l’exemption aurait cessé de s’appliquer, les entreprises étant dès lors obligées de publier leurs impôts quelles que soient les considérations commerciales les entourant.
Certes, le Parlement a spécifié au final que les entreprises devraient renouveler chaque année leur demande d’exemption et communiquer rétroactivement à la fin de la période de non-divulgation les informations requises, mais seulement sous la forme d’une moyenne arithmétique pour couvrir la période durant laquelle elle a bénéficié d’une immunité de divulgation des détails fiscaux
. On peut faire confiance aux multinationales pour calculer la « bonne » moyenne… De leur point de vue.
En refusant de voter un délai au-delà duquel les multinationales ne pourraient plus avoir recours à la clause échappatoire, le Parlement européen a créé un risque évident que cette clause d’exemption soit utilisée abusivement par les multinationales pour éviter de rendre publiques certaines opérations dans certains pays. Cela désavantage les entreprises qui n’ont rien à cacher
, a souligné la CES par la voix de sa secrétaire générale adjointe, Katja Lehto-Komulainen.
Après ce vote au Parlement, la discussion va se poursuivre dans le cadre du trilogue
entre les députés, le Conseil européen et la Commission.