L’employeur est responsable des agissements de harcèlement sauf s’il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention nécessaires et que, informé de l’existence de tels faits susceptibles de constituer un harcèlement, il a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser (Cass. soc., 1-6-16, n°14-19702).
L’employeur, qui est alerté de faits susceptibles de constituer un harcèlement, doit prendre toutes les mesures utiles pour vérifier les faits allégués, notamment en procédant à une enquête. S’il ne le fait pas, il contrevient à son obligation de sécurité quand bien même les faits de harcèlement ne seraient pas établis.
Autrement dit, le manquement à l’obligation de sécurité ne peut être écarté au seul motif que le harcèlement sexuel ou moral n’est pas retenu (Cass. soc., 8-7-20, n°18-24320).
En effet, la Cour de cassation distingue l’obligation de prévention des risques professionnels de la prohibition des agissements de harcèlement moral, ces deux notions ne se confondant pas (Cass. soc., 27-11-19, n°18-10551).
Attention, une enquête interne réalisée par l’employeur au sein de l’entreprise, à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral, ne constitue pas une preuve déloyale, même si la salariée accusée du harcèlement n’a été ni entendue, ni informée de l’enquête (Cass. soc., 17-3-21, n°18-25597).
L’enquête interne peut être réalisée par la DRH sans la participation du CSE. Un salarié accusé de harcèlement ne peut donc demander à écarter cet élément de preuve au motif qu’elle n’a pas été confiée au CSE.
Le rapport d’une enquête interne même incomplète peut être produit par l’employeur pour justifier la faute imputée au salarié licencié. Il appartient alors aux juges du fond, dès lors qu’il n’a pas été mené par l’employeur d’investigations illicites, d’en apprécier la valeur probante, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties, peu important que seules les victimes présumées aient été entendues et que le CHSCT (désormais le CSE) n’ait pas été saisi (Cass. soc., 29-6-22, n°21-11437).
Il est donc essentiel de formaliser la procédure d’enquête interne en cas de harcèlement (moral ou sexuel), notamment via le règlement intérieur de l’entreprise ou dans un accord collectif relatif au harcèlement et à la violence au travail, afin d’impliquer les instances représentatives du personnel.
Dans le document, il peut être prévu, en cas de dénonciation de faits de harcèlement, l’implication obligatoire du référent « harcèlement » s’il existe, de certains membres du CSE, la manière dont ils sont sélectionnés, les personnes devant être entendues… À noter que la Cour de cassation a déjà jugé que l’exigence d’exhaustivité et d’impartialité de l’enquête n’impose pas que tous les collaborateurs d’un directeur soupçonné de harcèlement soient auditionnés (Cass. soc., 8-1-20, n°18-20151).
Si la DRH n’est pas tenue d’impliquer le CSE lorsqu’il réalise une enquête interne, le CSE peut exiger la mise en place d’une expertise dès lors que les conditions de travail imposées aux salariés leur font courir un risque grave pour leur santé physique ou mentale.
Un membre du CSE peut lorsqu’il constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, saisir immédiatement l’employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral. L’employeur doit procéder sans délai à une enquête avec le membre du CSE et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le salarié, ou le membre du CSE (si le salarié intéressé averti par écrit ne s’y oppose pas), peut saisir le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statue selon la procédure accélérée au fond.
Une liaison entre l’auteur du harcèlement et la victime ne disqualifie pas le harcèlement moral (Cass. soc., 16-4-15, n°13-27271). Également, le harceleur est responsable même s’il n’est pas à l’origine du harcèlement ; sa responsabilité est encourue dès lors qu’il y a concouru.
A noter qu’une mise en cause, précipitée et humiliante, d’un salarié soupçonné de harcèlement, sans ménagement ni précautions suffisantes au moins jusqu’à l’issue de la procédure disciplinaire engagée, constitue un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité (Cass. soc., 6-7-22, n°21-13.631).