Inaptitude : le salarié peut-il refuser un reclassement ? Quelles en sont les conséquences ?

Maladie - Inaptitude par Secteur des Affaires juridiques

L’obligation de reclassement s’applique que l’inaptitude du salarié soit temporaire ou définitive et qu’elle soit due à un accident ou une maladie d’origine professionnelle ou non professionnelle et même en cas d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise constatée par le médecin du travail.

Sauf si l’avis d’inaptitude précise que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ou tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, l’avis du médecin du travail concluant à l’inaptitude du salarié à tout emploi dans l’entreprise (et uniquement celle-ci) et à l’impossibilité de son reclassement dans l’entreprise, ne dispense pas l’employeur de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l’entreprise et, le cas échéant, au sein du groupe auquel elle appartient, au besoin, par la mise en œuvre de mesures telles qu’aménagements, adaptations ou transformations de poste de travail et de l’obligation de consulter le CSE (Cass. soc., 8-2-23, n°21-11356).

L’obligation de proposer au salarié inapte un autre emploi approprié à ses capacités s’applique après la visite de reprise y compris lorsque le salarié continue à bénéficier d’un arrêt de travail de son médecin traitant. La reprise du versement des salaires, lorsque le salarié n’est ni reclassé ni licencié à l’issue du délai d’un mois à compter du constat d’inaptitude, ne dispense pas l’employeur de son obligation de reclassement. Lorsque le médecin du travail n’a formulé aucune proposition de reclassement, il appartient à l’employeur de les solliciter.

Si le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur est tenu de lui proposer un autre emploi tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer d’autres tâches au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. L’employeur doit formuler une offre sérieuse et précise (mais pas nécessairement par écrit) de reclassement dans un emploi compatible avec les capacités réduites du salarié et les conclusions écrites du médecin du travail.

L’employeur peut tenir compte des souhaits du salarié pour restreindre le périmètre des recherches de reclassement. En effet, l’employeur n’a pas à étendre ses recherches de reclassement aux sociétés du groupe lorsque le salarié a refusé des postes présentés en France en raison de leur éloignement de son domicile ou lorsque le salarié a exprimé la volonté de ne pas être reclassé au niveau du groupe. Autrement dit, l’employeur ne peut limiter ses recherches de reclassement et ses offres en fonction de la volonté du salarié, lorsque celle-ci a été exprimée par avance, en dehors de toute proposition concrète (Cass. soc., 7-12-22, n°21-16000).

L’employeur doit laisser un délai suffisant au salarié pour examiner l’offre de reclassement. Le refus de la proposition de reclassement par le salarié peut être explicite ou résulter d’un simple silence. Lorsque l’employeur propose un poste de reclassement, il n’a pas l’obligation de garantir au salarié que celui-ci lui sera attribué s’il l’accepte (Cass soc., 11-5-22, n°21-15.250).

Lorsque le salarié refuse le reclassement proposé par l’employeur, c’est à ce dernier d’en tirer les conséquences, soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procédant au licenciement de l’intéressé.

Si le salarié inapte refuse le reclassement en raison de l’incompatibilité du poste avec les recommandations médicales, l’employeur doit solliciter l’avis du médecin du travail.

Depuis le 1er janvier 2017, l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L 1226-2 du code du travail, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail (art. L 1226-2-1 alinéa 3). Cela veut-il dire que le refus d’un tel poste pourrait suffire à motiver le licenciement pour inaptitude, sans avoir besoin de rechercher et de proposer d’autres postes ? A notre sens, non ! Il revient toujours, selon nous, à l’employeur, en cas de refus d’un poste de reclassement, de proposer au salarié les autres postes disponibles dans l’entreprise compatibles avec les préconisations du médecin du travail. En effet, il convient de lire l’article L 1226-2-1 alinéa 3 du code du travail au regard du principe constitutionnel du droit à l’emploi. Seule l’impossibilité de reclassement doit pouvoir justifier le licenciement pour inaptitude.

Autrement dit, le refus par le salarié d’un poste proposé par l’employeur dans le cadre de son obligation de reclassement n’implique pas à lui seul le respect par celui-ci de cette obligation. Il est nécessaire que l’employeur justifie que les postes proposés sont les seuls postes disponibles conformes aux préconisations du médecin du travail et qu’il n’en dispose pas d’autres. L’entreprise ne peut invoquer, comme seul motif de licenciement, le refus du salarié du reclassement proposé. La cause réelle et sérieuse de ce licenciement est l’inaptitude du salarié et l’impossibilité de reclasser le salarié inapte et non le refus du salarié du poste de reclassement proposé.

Dans un arrêt en date du 26 janvier 2022, la Cour de cassation vient de confirmer nos propos en indiquant que l’employeur ne peut se contenter de proposer une seule offre lorsque plusieurs postes sont disponibles, les propositions de l’employeur devant procéder d’une recherche loyale et sérieuse de reclassement (Cass. soc., 26-1-22, n°20-20369).

Par poste disponible, il convient d’entendre des emplois à durée indéterminée ou déterminée. Par contre, des emplois pourvus par des contrats d’intérim conclus pour des durées très courtes afin de pallier des absences ponctuelles ou de faire face à des pointes saisonnières d’activité et qui présentent un caractère aléatoire, ne peuvent être considérés comme des emplois disponibles (CE, 19-7-22, n° 438076).

Lorsque le poste proposé constitue un simple changement des conditions de travail, le motif du licenciement ne peut pas être le refus du salarié d’un changement de ses conditions de travail. Une faute grave ne peut se déduire du seul refus par le salarié du poste de reclassement proposé par l’employeur.

En conséquence, qu’il y ait eu ou non modification du contrat de travail, l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement doit être versée au salarié licencié pour inaptitude non professionnelle.

Concernant l’inaptitude professionnelle, le refus abusif du salarié d’un poste de reclassement a pour seule conséquence de lui faire perdre les indemnités spéciales dues en cas de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle.

Si le motif du licenciement est le refus du poste, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Est abusif, le refus de plusieurs propositions de reclassement susceptibles de convenir au salarié dès lors que celui-ci n’a pas pris la peine, pour certaines de ces propositions, d’y répondre, le refus sans motif légitime d’une proposition de reclassement lorsque celle-ci n’entraîne qu’un simple changement des conditions de travail d’un poste approprié à ses capacités et comparable à l’emploi précédemment occupé (Cass. soc., 7-5-96, n°92-42572 ; Cass. soc., 12-1-05, n°02-44643).

A l’opposé, n’est pas abusif, le refus d’un emploi à temps partiel alors que le salarié était occupé à temps plein, le refus d’une modification du mode de rémunération même si le montant du salaire est maintenu dans l’offre de reclassement (Cass. soc., 25-11-20, n°19-21881), le refus d’un poste de reclassement proposé par l’employeur lorsque le salarié invoque l’absence de conformité du poste proposé à l’avis d’inaptitude, le refus d’accepter des fonctions entièrement différentes de l’emploi occupé précédemment et pouvant amener le salarié à effectuer des tâches interdites par le médecin du travail, le refus d’un poste d’entretien de bureaux à un salarié occupant le poste de plaquiste, comportant une modification de la nature du travail et de l’amplitude horaire sur un site éloigné de son domicile, le refus d’un reclassement dans un poste différent comportant une diminution de salaire, le refus d’un reclassement au motif qu’il entraîne une réduction du coefficient hiérarchique, le refus d’un poste qui emportait modification du contrat de travail dès lors qu’il entraînait une diminution de la durée mensuelle du travail et la perte corrélative de jours RTT.

Le salarié déclaré inapte qui n’est ni reclassé ni licencié à l’expiration du délai d’un mois à compter de la visite d’inaptitude peut prétendre à la reprise du paiement de son salaire, celui-ci pouvant se cumuler avec des indemnités journalières de sécurité sociale (Cass. soc., 1-3-23, n°21-19956).

L’obligation de faire connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement ne joue pas lorsque l’employeur a proposé un poste au salarié que celui-ci a refusé. Attention, cette absence d’obligation d’informer le salarié n’est valable que si toutes les recherches de reclassement ont été effectuée selon les instructions du médecin du travail et sur des postes compatibles avec l’état de santé du salarié. Autrement dit, si l’employeur n’a pas à faire connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement en cas de refus par un salarié d’un poste de reclassement avant de procéder au licenciement, l’employeur a toutefois l’obligation de rechercher toutes les possibilités de reclassement disponibles dans l’entreprise (Cass. soc., 24-03-21, n°19-21263).

Pour aller plus loin, voir :

 Le salarié peut-il contester l’avis d’aptitude/d’inaptitude du médecin du travail ?

 Licenciement pour inaptitude : impossibilité de reclassement et obligation de consulter le CSE

 Inaptitude professionnelle : quand l’employeur doit-il appliquer les règles protectrices en la matière ?

 

 

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