L’action syndicale a, sur le plan judiciaire, un champ d’intervention que le législateur - ainsi que le juge - ont pris soin de délimiter.
En voici une illustration avec un arrêt du 14 février 2024 (Cass. soc., 14-2-24, n°22-20535).
En l’espèce, une convention collective prévoit que les salariés effectuant des travaux insalubres et salissants ont droit à une indemnité de douche dès lors que les locaux dans lesquels ils travaillent ne leur permettent pas de prendre une douche.
L’employeur, soumis à cette convention, ne paie pas cette indemnité. Un syndicat saisit le tribunal judiciaire afin d’obtenir le paiement de celle-ci au profit des salariés concernés.
Au stade de l’appel, le syndicat est débouté de sa demande au motif que son action ne vise que la régularisation de situations individuelles, et non la réparation d’une atteinte à l’intérêt collectif de la profession.
Le syndicat forme alors un pourvoi en cassation.
Selon lui, le juge aurait dû apprécier si l’action n’était pas recevable sur le fondement de l’article L 2262-11 du code du travail qui vise à obtenir l’exécution par une partie d’engagements qu’elle a contractés.
La Cour de cassation, s’aligne sur la position des juges en appel. Elle estime que l’action telle qu’introduite par le syndicat n’a pas pour objet l’intérêt collectif de la profession, mais la régularisation de situations individuelles. Or une telle action, relève de la liberté personnelle du salarié, de son choix de défendre ses intérêts.
La Cour en profite pour faire une piqûre de rappel. Elle énonce dans la solution, qu’un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l’existence d’une irrégularité commise par l’employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d’égalité de traitement et demander, outre l’allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l’intérêt collectif de la profession, qu’il soit enjoint à l’employeur de mettre fin à l’irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte
.
Il a ainsi été admis qu’un syndicat puisse agir pour faire reconnaître l’atteinte à l’intérêt collectif de la profession qui résulte du non-paiement d’une prime, et demander sur ce fondement des dommages-intérêts à l’employeur (Cass. soc., 22-11-23, n°22-14807). En revanche, le syndicat ne peut intenter une action en justice pour obtenir le paiement de ladite prime pour les salariés concernés (même arrêt).
Par l’arrêt du 14 février 2024, la Cour s’efforce donc à définir les situations dans lesquelles un syndicat à la qualité à agir.
La solution posée par le présent arrêt n’est donc pas nouvelle. La Cour de cassation a, par exemple jugé irrecevable l’action d’un syndicat en reconnaissance d’un contrat de travail (Cass. soc., 23-1-08, n°05-16492). Ce droit étant exclusivement attaché à la personne du salarié. Idem pour la contestation d’un transfert de contrat de travail (Cass. soc., 12-7-17, n°16-10460).
L’action du syndicat aurait pu prospérer, on peut supposer, si le syndicat avait agi sur le fondement de l’article L 2262-9, qui est une action en substitution et vise à faire respecter une convention collective et autorise le syndicat à agir à la place du salarié.
En guise de conclusion, il est possible d’énoncer que l’action en justice d’un syndicat ne peut embrasser toutes les revendications…