Dans le cadre d’élections professionnelles, l’union départementale FO des Pyrénées Atlantiques (ci-après dénommée UDFO) saisit les juges afin de faire constater le non-respect de représentation équilibrée femmes-hommes, et demander, en conséquence l’annulation de l’élection des candidats dont le sexe était surreprésenté.
Mais pour les juges du fond, l’organisation syndicale serait irrecevable à agir. Selon eux, les irrégularités soulevées par l’organisation syndicale requérante n’emporteraient aucune conséquence sur la mise en place du CSE. Elle n’aurait pas intérêt à agir. Sa demande serait donc irrecevable.
L’UDFO se pourvoit donc en cassation.
La question posée à la Cour de cassation était la suivante : la recevabilité de l’action menée par une organisation syndicale, en annulation de l’élection d’élu violant les dispositions relatives à la représentation équilibrée, est-elle subordonnée à la démonstration d’un intérêt à agir ?
Non répond la Cour de cassation dans cette décision (Cass. soc., 10-11-21, n°20-60265). Elle casse et annule le jugement du tribunal judiciaire.
Selon elle : Pour déclarer irrecevable l’Union départementale pour défaut d’intérêt à agir, le jugement retient que les irrégularités invoquées, à les supposer établies, n’emporteraient aucune conséquence sur la mise en place du comité social et économique de la société Chimex, le syndicat requérant étant majoritaire au sein de cette instance suite aux élections contestées, qu’il est de l’intérêt général des salariés que la pluralité syndicale soit assurée au sein du comité social et économique
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A titre de rappel, on peut préciser que l’action en justice est subordonnée, en principe, à l’existence d’un intérêt à agir (article 31 du CPC).
Autrement dit, le justiciable doit pouvoir justifier de l’avantage qu’il est susceptible de pouvoir retirer de l’action.
C’est pourquoi le tribunal judiciaire avait cru, à tort, pouvoir subordonner l’action de l’UD à l’avantage que cette action aurait pu avoir sur la mise en place du CSE.
Mais c’était oublier qu’en matière d’action en justice menée par les organisations syndicales, les choses sont particulières, à bien des égards.
D’abord, les dispositions selon lesquelles les listes doivent être composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des 2 sexes, à défaut de quoi, l’annulation de l’élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions est encourue (articles L 2314-30 et L 2314-32 du code du travail), sont d’ordre public.
Ensuite, la Cour de cassation avait eu l’occasion de juger que tout syndicat, même non représentatif, peut contester des élections, mais à la condition d’avoir des adhérents dans l’entreprise (Cass. soc., 12-7-06, n°05-60353).
Puis elle est revenue sur cette solution pour considérer que toute organisation syndicale, qui a vocation à participer au processus électoral, a nécessairement intérêt à agir en contestation de la régularité des élections, peu importe le nombre d’adhérents (Cass. soc., 20-9-18, n°17-26226).
Dans cette décision, la Cour de cassation étend cette dernière solution au contentieux de la contestation des élections de candidats en violation de règles de parité. Elle juge que :
Une organisation syndicale, qui a vocation à participer au processus électoral, a nécessairement intérêt à agir en contestation de la régularité de l’élection de membres élus du comité social et économique, au regard des règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes instituées par les dispositions d’ordre public absolu de l’article L. 2314-30 du code du travail.
Bien que sur un plan strictement juridique, la solution rendue peut interroger, notamment en raison de la mobilisation de la notion d’intérêt à agir, en pratique, elle doit être saluée.
En effet, en établissant une présomption d’intérêt à agir en contestation d’élections de candidats, elle simplifie la mission des organisations syndicales. Elles n’auront alors qu’à démontrer avoir vocation à participer au processus électoral
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Que doit-on entendre par l’expression vocation à participer au processus électoral
?
Faut-il l’entendre au sens large du terme ? Cela renverrait alors à toute organisation syndicale ayant participé, de près ou de loin, à la campagne électorale.
Ou faut-il adopter une interprétation plus restrictive en limitant le bénéfice de la présomption aux seules organisations syndicales ayant négocié le protocole préélectoral et/ou qui a présenté des candidats aux élections.
La formule peut interroger. Quelques précisions complémentaires de la Cour de cassation seraient les bienvenues.