La loi n° 2012-375 du 19 mars 2012 relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers, s’inscrit dans la lignée de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
Ces deux textes ont pour objectif de concilier le droit de grève - reconnu par le Conseil constitutionnel - et la continuité du service rendu aux usagers. Concernant la grève dans les entreprises de transport aérien, la loi du 19 mars 2012 instaure un dispositif permettant d’améliorer la prévisibilité du service fourni à la clientèle en cas de grève.
À ce titre, l’article L 1114-3 du code du transport dispose qu’en cas de grève et pendant toute la durée du mouvement, les salariés dont l’absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols informent, au plus tard quarante-huit heures avant de participer à la grève, le chef d’entreprise ou la personne désignée par lui de leur intention d’y participer
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Ainsi, la loi du 19 mars 2012 a, avant tout, pour objectif d’informer la clientèle de l’état du trafic. C’est, d’ailleurs, ce que réaffirme la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 12 octobre 2017 (Cass. soc., 12-10-17, n°16-12550).
Dans cet arrêt, une compagnie aérienne a utilisé les déclarations individuelles de grève du personnel afin de procéder à une réorganisation anticipée du service par la reconstruction d’équipages
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Des organisations syndicales de la compagnie aérienne ont alors saisi le juge des référés pour que celui-ci enjoigne l’employeur à cesser toute utilisation des informations recueillies grâce aux déclarations individuelles des salariés à d’autres fins que celles utilisées par la loi.
La cour d’appel ayant donné raison aux syndicats, l’employeur s’est pourvu en cassation. Celui-ci prétend notamment que la cour d’appel n’a respecté ni l’esprit, ni la lettre, de l’article L 1114-3 du code des transports.
Cet article énonce, notamment, que les informations issues des déclarations individuelles des salariés ne peuvent être utilisées que pour l’organisation de l’activité durant la grève en vue d’en informer les passagers
. Aussi, selon l’employeur, cette disposition prévoit expressément que l’obligation d’information imposée au salarié gréviste puisse être utilisée par la compagnie aérienne pour organiser son activité et réaliser un aménagement du service.
La Cour de cassation n’adopte pas cet argumentaire puisqu’elle affirme que ces dispositions, dont la finalité est l’information des usagers vingt-quatre heures à l’avance sur l’état du trafic afin d’éviter tout déplacement et encombrement des aéroports et préserver l’ordre public, n’autorisaient pas l’employeur, en l’absence de service minimum imposé, à utiliser les informations issues des déclarations individuelles des salariés afin de recomposer les équipages et réaménager le trafic avant le début du mouvement
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En somme, la Cour de cassation rappelle, dans cet arrêt, que les dispositions issues de la loi du 19 mars 2012 ont exclusivement pour but de pouvoir informer les usagers à l’avance sur l’état du trafic, et non pas, de mettre en place un service « minimum » au sein de l’entreprise.
Cette solution trouve à s’appliquer en cas de grève dans des entreprises de transport aérien. Toutefois la solution serait vraisemblablement différente pour les cas de grèves dans des entreprises de transport terrestre. En effet, la loi du 21 août 2007 relative au dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs est rédigée en des termes différents. En effet, l’article L 1324-7 du code des transports prévoit que les informations issues de déclarations individuelles de grève ne peuvent être utilisées que pour l’organisation du service durant la grève
. Rien de plus.
La loi relative au transport aérien, elle, précise bien que les informations ne peuvent être utilisées que pour l’organisation de l’activité durant la grève en vue d’en informer les passagers
. La formulation de l’article L 1324-7 du code des transports reste très large en ce qui concerne le transport terrestre. Aussi, une interprétation différente de la Cour de cassation pourrait être envisageable.