Dans la cadre d’une procédure de licenciement économique ou pour inaptitude, l’employeur est tenu à une obligation de reclassement. Il doit chercher à reclasser le salarié au sein de l’entreprise, ou des entreprises du groupe auquel elle appartient.
Lorsque la société fait partie d’un groupe, l’obligation de reclassement doit s’apprécier auprès des autres sociétés du groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu de travail ou d’exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel (Cass. soc., 5-4-95, n°93-42690 ; Cass. soc., 9-12-15, n°14-21672 ; CE, 9-3-16, n°384175).
Si la preuve de l’obligation de reclassement incombe à l’employeur, s’agissant d’une obligation de moyens renforcée, et qu’elle s’étend au groupe quand l’entreprise fait partie d’un groupe, il appartient au juge, en cas de contestation sur la consistance ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties.
Depuis l’entrée en vigueur des ordonnances n°2017-1387 et n°2017-1718 des 22 septembre et 20 décembre 2017, la notion de groupe pour l’appréciation de la cause économique et du périmètre de reclassement est définie par renvoi direct aux dispositions du code de commerce : les articles L 1233-3 (cause économique), L. 1226-2 (relatif à l’inaptitude d’origine non professionnelle) et L 1226-10 (relatif à l’inaptitude d’origine professionnelle) disposent que la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L 233-1, aux I et II de l’article L 233-3 et à l’article L 233-16 du code de commerce
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Avant les ordonnances de 2017, l’employeur devait chercher à reclasser son salarié au sein d’entités avec lesquelles il n’avait pas nécessairement de lien juridique ou capitalistique. La permutabilité des salariés entre les entreprises était, en effet, une condition non seulement nécessaire, mais également suffisante, à la caractérisation d’un groupe de reclassement. L’existence d’un groupe ne s’appréciait pas nécessairement par référence aux critères du droit commercial et l’indépendance juridique des entreprises entre elles n’était pas de nature à faire obstacle à la reconnaissance d’un groupe de reclassement (Cass. soc., 19-2-14, n°12-22709).
Depuis les ordonnances de 2017, nous sommes passés d’une notion factuelle très large à une notion plus encadrée, supposant une influence dominante en raison d’un acte juridique.
Restait à la Cour de cassation à préciser comment elle entendrait la notion d’acte juridique : celui-ci pourrait-il être qualifié de manière souple (non formalisé, par exemple).
Dans une décision en date du 5 juillet 2023, la Cour de cassation a levé certaines incertitudes en la matière en retenant une notion restrictive du groupe comme périmètre de reclassement : la simple influence notable
d’une société sur une autre ne suffit pas à caractériser l’existence d’un groupe de reclassement (Cass. soc., 5-7-23, n°22-10158).
La chambre sociale de la Cour de cassation précise que cette influence notable n’est pas constitutive d’un contrôle au sens des articles L 233-1, L 233-3 I et II ou L 233-16 du code de commerce.
La Cour de cassation applique donc les textes à la lettre.
Comme l’explique l’avis de l’avocate générale, suivi par la Cour, les articles L 233-1, L 233-3 I et II et L 233-16 du Code de commerce renvoient tous à une notion de contrôle et de domination
. Alors que l’influence notable
est définie comme le pouvoir de participer aux politiques financière et opérationnelle d’une entité sans en avoir le contrôle
. Autrement dit, la seule existence de comptes consolidés « par mise en équivalence » ne suffit pas à caractériser l’existence d’un groupe de reclassement avec les entreprises concernées.
Selon les normes comptables, l’influence notable est le pouvoir de participer aux politiques financière et opérationnelle d’une entreprise sans en détenir le contrôle. Les juges du fond ne pouvaient donc se baser sur le seul constat de l’intégration par mise en équivalence des comptes de la société litigieuse dans les comptes consolidés de la société dominante pour décider de l’intégration de celle-ci au groupe de reclassement du salarié inapte.