PSE chez ArcelorMittal : FO demande un moratoire sur les normes européennes

InFO militante par Fanny Darcillon, L’inFO militante

© Fred MARVAUX/REA

Alors que les négociations du PSE – qui concerne plus de 600 postes sur le plan national – touchent à leur fin, FO alerte sur le fait que d’autres plans sociaux suivront en l’absence de mesures fortes de protection de l’acier européen. Un cabinet d’expertise indépendant a, pour sa part, pointé du doigt le choix des dirigeants d’ArcelorMittal de distribuer d’importants dividendes aux actionnaires, quitte à rogner sur les investissements.

Les CSE s’enchaînent quotidiennement, sans que la direction ne semble vraiment accéder aux revendications légitimes des organisations syndicales, regrette Laurent Boutin, délégué FO du site ArcelorMittal de Basse-Indre (Loire-Atlantique). La phase d’information-consultation du plan social annoncé en avril touche à sa fin, et comme le résume Sylvain Ibanez, représentant syndical national FO, les mesures compensatoires ne sont jamais assez bien, quand on vire les gens. C’est violent ce qui est en train de se passer, il faut se rendre compte qu’il y a des familles qui souffrent.

Quelque 637 suppressions d’emplois avaient été annoncées à l’origine sur le territoire national, touchant les sept sites industriels d’ArcelorMittal France Nord, avant que les salariés apprennent que la majorité de ces postes étaient déjà vacants. C’était la stratégie de Mittal, indique Sylvain Ibanez. Il a anticipé, et créé du sous-effectif depuis pas mal de temps pour éviter les licenciements secs. Depuis… Sur le talon minimum pour les indemnités supra-légales, sur la durée du congé de reclassement, sur le congé senior pour que les plus anciens ne perdent pas le bénéfice de leur carrière longue en étant au chômage en fin de carrière : les sujets de discussions sont multiples et les négociations tendues.

30% de postes supprimés en Loire-Atlantique

Si FO n’est pas représentatif chez ArcelorMittal au niveau national et ne participe donc pas aux discussions, l’organisation est bien implantée sur plusieurs sites industriels, et notamment sur celui de Basse-Indre, le plus touché proportionnellement. Avec 97 suppressions de postes, sur un effectif global de 343 personnes, cela représente environ 30% du personnel présent, précise Laurent Boutin. 74 salariés sont menacés de licenciement dans cette usine historique, qui a fêté ses 200 ans en 2024.

Alors que depuis quelque temps que les PSE locaux se multiplient chez ArcelorMittal, Sylvain Ibanez déplore par ailleurs que certains sites et certaines entités soient moins bien lotis que d’autres en matière d’accompagnement. C’est honteux de faire des différences. Le dialogue social, ça commence déjà par traiter tout le monde sur le même pied d’égalité.

Des dividendes au détriment de l’investissement

Dans un rapport publié fin octobre, le cabinet d’expertise Secafi, mandaté par le CSEC d’ArcelorMittal France Nord, dénonce le choix stratégique assumé de privilégier la distribution de dividendes aux actionnaires, au détriment de l’anticipation et de l’investissement. Les experts relèvent ainsi que le montant des investissements industriels d’ArcelorMittal dans le monde entre 2020 et 2024 (15,5 milliards d’euros) est tout juste supérieur à celui des liquidités versées aux actionnaires à la même période (13 milliards). La direction du groupe conteste le rapport et lui oppose qu’elle a investi 1,7 milliard d’euros en France ces cinq dernières années.

Ces décisions stratégiques se reflètent pourtant dans l’état des infrastructures de production. Après des années de maintenance au rabais, destinées à maintenir à flot les dividendes des actionnaires, les installations de Basse-Indre, comme un peu partout d’ailleurs, sont dans un état de fiabilité, et donc de fonctionnement, déplorable, souligne Laurent Boutin.

Des craintes pour l’avenir

Outre les 74 licenciements à venir, les salariés du site de Loire-Atlantique craignent une fermeture prochaine, si les investissements continuent de manquer à l’appel. Au-delà du PSE, le futur schéma industriel imaginé par la direction pour Basse-Indre ne convainc personne, et la baisse brutale du carnet de commandes pour le quatrième trimestre 2025 ne rassure personne non plus, poursuit le délégué FO. Cette baisse semble continuer début 2026.

Selon le cabinet Secafi, l’intérêt économique de procéder à ces licenciements (37 millions d’euros d’économies estimées) n’était pas suffisant en comparaison de leur impact. Avec une durée de vie de hauts-fourneaux limitée et des investissements de décarbonation qui tardent à être confirmés, l’avenir d’ArcelorMittal France reste incertain, PSE ou non, indique le rapport. Début 2025, le groupe avait en effet annoncé le gel du projet de décarbonation de la production d’acier sur le site de Dunkerque – avant de faire part de son projet de construction, à l’horizon 2027, d’une nouvelle usine de production d’acier vert directement aux États-Unis, pour échapper à la hausse des droits de douane décidée par le président Trump.

Dans un contexte où les questions de souveraineté de la production et de réindustrialisation gagnent du terrain dans le débat public, une proposition de loi visant à nationaliser ArcelorMittal a été examinée – et retoquée – au Sénat fin octobre. À l’Assemblée nationale, une autre proposition de loi concernant la mise sous tutelle de l’État des entreprises stratégiques doit être examinée fin novembre. Pas de quoi convaincre Sylvain Ibanez : Si c’est pour encore accélérer la décarbonation et quand même virer des gens, ça sert à quoi ? Selon le représentant FO, le passage aux fours électriques constitue surtout pour ArcelorMittal une occasion de devenir plus compétitif en se passant d’une large partie de sa masse salariale.

Protectionnisme, restrictions : des incohérences européennes ?

Outre les choix d’ArcelorMittal, Sylvain Ibanez pointe avant tout les contradictions de la politique européenne concernant l’acier. Sans cette volonté de l’Union européenne de vouloir décarboner à tout prix, et vite, on n’en serait pas là, juge-t-il. Au printemps dernier, l’Agence européenne des produits chimiques a également proposé de restreindre l’utilisation industrielle du chrome 6, substance classée cancérogène avérée, afin de protéger les travailleurs ainsi que les personnes vivant à proximité des sites industriels.

Problème, selon Sylvain Ibanez : On nous interdit d’utiliser le chrome 6 mais on n’interdit pas que le chrome 6 vienne d’Inde ou de Chine. Si au final, les boîtes de conserve au chrome 6 sont toujours dans les rayons mais pas produites ici, ça ne sert à rien. Il dénonce une concurrence déloyale : S’il faut faire des efforts et changer les mentalités sur l’écologie, pas de soucis. Mais on fait les mêmes interdictions pour tout le monde.

Les mesures de protectionnisme contre la concurrence de l’acier chinois ont par ailleurs tardé. Sylvain Ibanez fustige la lenteur des décisions prises ces dernières années. Il y a dix ans, on avait déjà des problèmes avec la Chine qui inondait le marché d’acier, et on n’a jamais réussi à se protéger. L’UE a haussé le ton début octobre en divisant par deux les quotas d’importation sans taxe d’acier étranger, au-delà desquels les droits de douane passeront de 25 à 50% – un peu trop tard au goût du militant. On demande un moratoire sur les normes européennes, pour prendre le temps de réfléchir sur la façon dont on veut faire cette transition écologique : douce, réfléchie, pas subie et pas à la va-vite.

Fanny Darcillon

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération