La Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force Ouvrière (FO-SPS) répond aux annonces du Ministre de la Santé, Yannick Neuder, présentées comme un « plan ambitieux » pour la psychiatrie et la santé mentale, en réaction aux récents faits divers dramatiques. Mais à bien y regarder, ce plan n’est ni une réparation, ni un tournant, ni même un début de réponse aux alertes que FO lance depuis des années. C’est une opération de communication dans l’urgence du drame survenu à Nogent pour faire passer un recyclage d’annonces déjà connues et toujours aussi sous-financées.
Une « grande cause nationale »… sans financement !
Rien, absolument rien, dans ce plan : il n’est pas à la hauteur de la crise profonde de la psychiatrie publique. Le ministère l’admet lui-même à demi-mots : aucun crédit nouveau, aucune enveloppe dédiée, aucun plan de titularisation massif, aucune hausse des effectifs soignants, aucun plan de rénovation des services hospitaliers, aucun fléchage clair dans l’ONDAM médico-social ou hospitalier.
Le ministre parle de « dette collective envers la psychiatrie publique ». Mais c’est un discours vain, sans le moindre acte budgétaire à l’appui. Une reconnaissance sans moyens, c’est du mépris voire de la provocation.
Des mesures à la limite du gadget, des dispositifs déjà existants repeints à neuf.
Le plan repose principalement sur des mesures déjà annoncées ou en cours depuis la dernière « feuille de route » ministérielle :
• Le programme « Mon soutien psy », déjà fortement critiqué pour sa précarité et son efficacité toute relative, serait « doublé », sans revoir les modalités de rémunération ou d’accès. En revanche, le ministère refuse toujours de revaloriser les psychologues de la fonction publique dont les salaires n’ont pas été réévalués depuis 30 ans !
• Les Services d’Accès aux Soins (SAS) psychiatriques ? Présentés comme une nouveauté, ils figurent déjà dans les dispositifs existants. Le plan ministériel promet des "filières psychiatriques", la désignation d’"infirmiers référents", des "dispositifs post-urgence". Mais dans les faits, ce sont les services d’urgence qui encaissent la montée des crises, sans moyens, sans coordination, sans reconnaissance. Les projets territoriaux de santé mentale (PTSM) sont encore trop souvent des coquilles vides. Et pendant que les équipes s’épuisent à "tenir", les personnels fuient : manque de reconnaissance, épuisement moral, agressions, pression hiérarchique et absence de perspectives. Résultat : on assiste à une crise majeure d’attractivité avec des postes vacants partout.
• La formation de 300 000 « secouristes en santé mentale » ? Encore une mesure qui détourne la prise en charge vers des professionnels non formés et déresponsabilise l’État. Par contre, le ministère refuse de saisir l’opportunité de la réingénierie du diplôme infirmier pour renforcer de manière significative l’enseignement de la psychiatrie et de la santé mentale dans la formation initiale. Alors que la quasi-totalité des infirmiers de secteur psychiatrique (ISP) sont partis à la retraite, l’enseignement de cette discipline vitale reste réduit à portion congrue. Cet oubli est coupable. Il y a quelques jours encore, FO tapait du poing sur la table face à l’obstination et à la surdité du ministère de la Santé sur ce sujet.
• La « prime » aux CMP offrant des créneaux non programmés ? Un piège à performance, alors que les CMP sont exsangues, en manque de personnels, et saturés par des demandes non pourvues. Pour beaucoup c’est déjà plusieurs mois voire plusieurs années pour répondre à la demande croissante des patients ; alors comment encore imaginer devoir ouvrir de nouveaux horaires sans moyens humains !
Assez de promesses creuses ! Assez de recyclage d’annonces vides ! La psychiatrie publique n’a pas besoin de nouveaux comités de pilotage, elle a besoin de reconnaissance, de moyens en personnel, et de respect.
Une psychiatrie sans lits, sans équipes, sans temps médical
FO-SPS le répète : on ne réparera pas la psychiatrie publique avec des guides, des référentiels, des cartographies et des dispositifs « innovants ». On la réparera en rouvrant des lits, en formant et en embauchant massivement des soignants, en assurant la continuité des parcours, et en revalorisant les professionnels.
Le plan n’aborde en effet que très superficiellement la question des conditions de travail catastrophiques dans les services qui rendent les prises en charge dégradantes pour les patients comme pour les soignants. La mission IGAS annoncée pour 2026 arrive bien trop tard : la crise est là, maintenant. FO ne demande pas un énième rapport sur le sujet : la psychiatrie publique française en a bien assez !
Une crise d’attractivité niée
Rien non plus sur les grilles salariales, sur la désertification des postes médicaux dans les hôpitaux psychiatriques, ni sur les abandons des professionnels dans les CMP, les unités pour adolescents ou les services fermés.
La soi-disant hausse des internes de psychiatrie (de 500 à 600 par an d’ici 2027) ne suffira même pas à compenser les départs massifs à la retraite. En outre, les jeunes praticiens fuient les hôpitaux psychiatriques publics, trop souvent assimilés à des lieux d’épuisement professionnel.
La « psychiatrie de proximité » toujours plus lointaine
On nous parle d’une « psychiatrie de proximité » fondée sur les CMP, les équipes mobiles, les ESS, les PTSM, les CPTS… mais où sont les moyens pour les faire fonctionner ? Les partenariats « territoriaux » promis reposent trop souvent sur des associations ou des collectivités elles-mêmes sous-dotées. Mais surtout, le constat de la ruine de la psychiatrie publique s’est encore aggravé, comme le démontre les derniers chiffres de la Dress (fin octobre 2024) : la suppression du nombre de lits est encore plus importante en 2023 (-2,4 %) qu’en 2022 et 2021 (respectivement -1,7 % et -0,9 %)
La psychiatrie « communautaire » vantée par le ministère ne tient qu’à condition d’avoir des équipes formées, pérennes, en nombre suffisant, et d’assumer un maillage de services publics fort. Or l’État n’en donne pas les moyens.
La Fédération FO-SPS exige un plan d’urgence réel pour la psychiatrie publique :
• La fin des quotas dans la sélection des étudiants en médecine, qu’il s’agisse des numerus clausus ou apertus. Pour FO, ce régime de restrictions poussé, entre autres, par des doctrines absurdes de limiter l’offre de soins pour diminuer la demande (et les dépenses) n’a que trop duré ;
• La réouverture totale des lits et places fermés ;
• La fin de l’enveloppe financière limitative. Pour FO, en cette période de détresse de la population française, seule la logique des « moyens en fonctions des besoins » doit prévaloir ;
• L’abandon de la contre-réforme actuellement mise en œuvre sur le financement de la psychiatrie qui consiste à déshabiller encore plus certaines régions ;
• Une refonte de la formation des personnels paramédicaux. FO plaide pour une remise à plat du cursus infirmier en revendiquant une formation au moins d’égale qualité que celle dispensée avant 1992 ;
• L’abandon de la réingénierie infirmière que le ministère de la santé est sur le point de finaliser sans augmenter significativement la part de la santé mentale et surtout de la psychiatrie dans le cursus. Ce mépris est, pour FO, inacceptable. Pour FO, l’attractivité de la psychiatrie, la qualité d’exercice passent aussi par cet aspect fondamental ;
• L’augmentation des salaires de l’ensemble des personnels ;
• Concernant les psychologues de la FPH, la revalorisation des grilles de rémunération (qui n’ont pas évolué en 30 ans !), un plan de déprécarisation des trop nombreux contractuels et le respect de la pluralité des méthodes, outils et orientations théoriques.
La Fédération FO-SPS portera ces exigences auprès du ministre la semaine prochaine et réunira à la rentrée sa commission nationale sur la psychiatrie afin de déterminer les actions à mener pour que ce secteur vital cesse d’être méprisé par les gouvernements successifs.