Selon l’article L 3121-58 du code du travail, peuvent conclure une convention de forfait-jours sur l’année :
– les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;
– les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
L’accord collectif instituant le forfait-jours doit déterminer les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait.
Si le salarié ne relève pas de l’une des catégories mentionnées dans l’accord collectif ou ne remplit pas les conditions posées pour être éligible au forfait-jours, il ne peut être soumis à un tel forfait. Un employeur ne peut contractuellement accorder à un salarié une classification supérieure à ses fonctions réellement exercées afin de lui permettre de conclure une convention de forfait.
Le salarié qui ne dispose d’aucune liberté dans l’organisation de son travail ne peut relever du forfait-jours. Un salarié dont l’emploi du temps est déterminé par la direction qui définit le planning de ses interventions auprès des clients et qui ne dispose pas du libre choix de ses repos hebdomadaires n’est pas susceptible de relever du régime du forfait en jours. Un salarié qui est soumis à une obligation de pointage et au fait que sa journée de travail, pour être validée, devait comptabiliser 6 heures de présence dans l’entreprise, ne permet pas de considérer que le salarié dispose d’une réelle autonomie dans l’organisation de son emploi du temps pour être éligible à une convention de forfait en jours (Cass. soc., 7-6-23, n°22-10196).
Toutefois, le fait que des cadres soient soumis à des sujétions telles qu’assurer la fermeture du magasin ou effectuer des permanences ne suffisent pas à les priver de leur indépendance d’organisation et donc d’être soumis à une convention de forfait. Une convention de forfait annuel en jours n’instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires indépendamment de toute contrainte liée à l’organisation du travail par l’employeur. Un vétérinaire peut se voir imposer un planning d’activité en fonction des contraintes liées à l’activité de la clinique pour les rendez-vous donnés aux propriétaires des animaux. Dès lors que ce vétérinaire pouvait en dehors de ces contraintes, organiser librement sa journée de travail et ses interventions et choisir ses horaires, celui-ci peut être soumis à une convention de forfait (Cass. soc., 2-2-22, n°20-15744).
Les salariés soumis à un forfait-jours qui ne remplissent pas la condition d’autonomie peuvent revendiquer les règles de droit commun de décompte du temps de travail (ex : paiement des heures supplémentaires…). L’employeur peut, pour sa part, demander le remboursement des jours RTT ou les jours de congés supplémentaires accordés en contrepartie de ce forfait.
A noter que les salariés en CDD peuvent conclure une convention de forfait.
Il appartient au juge de vérifier, en cas de litige, que les fonctions effectivement exercées par le cadre correspondent à des fonctions d’autonomie et ne lui permettent pas d’être soumis à l’horaire collectif de travail.
Le forfait-jours ne peut être appliqué à un salarié que si deux conditions cumulatives sont remplies :
– l’existence d’un accord collectif préalable autorisant expressément le recours au forfait jours ;
– la signature d’une convention individuelle de forfait.
Le recours au forfait-jours suppose la conclusion d’un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, d’une convention ou d’un accord de branche. L’accord instituant le forfait-jours est donc conclu en priorité au niveau de l’entreprise.
Ce n’est qu’à défaut d’accord d’entreprise que le forfait-jours est institué par accord de branche. L’accord de branche n’a pas à être étendu.
A défaut d’accord collectif préalable, aucune convention de forfait ne peut être conclue même avec l’accord exprès du salarié. L’employeur ne peut fixer unilatéralement les modalités de mise en œuvre du forfait-jours. Le contrat de travail ne peut à lui seul suppléer l’absence d’accord collectif. Un salarié peut revendiquer l’application des règles de droit commun de décompte du temps de travail (ex : paiement des heures supplémentaires, droit à repos compensateur…) lorsque l’employeur lui applique un système de forfait-jours alors qu’aucun accord collectif n’autorise un tel recours.
Cet accord collectif préalable doit comporter certaines mentions obligatoires figurant à l’article L 3121-64 du code du travail.
Pour soumettre le salarié au forfait-jours, l’employeur doit recueillir son accord exprès par écrit soit dans le cadre du contrat de travail initial soit sous la forme d’un avenant au contrat. La signature apposée par le salarié sur une note de service ne peut valoir acceptation de sa part de la convention de forfait. Le seul renvoi général fait dans le contrat de travail à l’accord d’entreprise ne peut constituer l’écrit requis.
L’employeur ne peut sanctionner un salarié qui refuserait de se voir appliquer une convention de forfait. La conclusion d’une convention de forfait constituant une modification du contrat de travail (sauf application d’un accord de performance collective), le refus du salarié de conclure une telle convention ne constitue pas à lui seul un motif de licenciement. Toutefois, si la proposition de convention de forfait repose sur un motif économique, le refus de la proposition peut justifier un licenciement pour motif économique.
Le salarié qui se voit appliquer un forfait-jours sans la conclusion d’une convention individuelle de forfait peut revendiquer l’application des règles de droit commun de décompte du temps de travail. L’employeur commet le délit de travail dissimulé en appliquant le forfait-jours sans accord écrit du salarié, dans la mesure où les heures supplémentaires ne figurent pas sur le bulletin de paie. Dans un tel cas de figure, en cas de rupture de la relation contractuelle, le salarié peut prétendre, outre le paiement des heures supplémentaires effectivement accomplies, à l’indemnité minimum de 6 mois de salaire prévue par l’article L 8223-1 du code du travail.
Outre le fait qu’elle doit rappeler l’accord collectif applicable, la convention individuelle de forfait doit fixer le nombre de jours travaillés (sans pouvoir se contenter de faire référence au nombre de jours RTT). Ce nombre de jours ne peut dépasser celui prévu par l’accord collectif qui, en tout état de cause, est limité à 218 jours. Rien n’empêche d’appliquer au salarié un nombre de jours travaillés inférieur au plafond légal ou conventionnel.
Attention, le salaire minimum conventionnel peut alors être proratisé lorsque le salarié a un forfait-jours de moins de 218 jours. Le plafond de jours travaillés établi individuellement doit tenir compte des congés conventionnels d’ancienneté.
A défaut d’indiquer le nombre de jours travaillés, la convention est irrégulière et l’employeur doit payer les heures supplémentaires.
La convention de forfait doit prévoir la rémunération du salarié qui doit être en rapport avec les sujétions qui lui sont imposées. Lorsque le salarié sous forfait-jours perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il peut, nonobstant toute clause contraire, conventionnelle ou contractuelle, saisir le conseil de prud’hommes afin que lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, eu égard notamment au niveau du salaire pratiqué dans l’entreprise, et correspondant à sa qualification.
La convention de forfait peut également rappeler les caractéristiques principales du système de forfait-jours, les règles applicables en matière de repos quotidien et hebdomadaire, le principe et l’objet de l’entretien annuel.
Le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de son salaire. L’accord entre les parties doit être établi par écrit. Le fait que le salarié continue à travailler au-delà du nombre de jours prévu par sa convention de forfait en jours sans que l’employeur n’y trouve rien à redire constitue un accord implicite pour la réalisation de ces jours de travail supplémentaires ; le juge peut souverainement fixer (dans le respect du minimum de 10 %) le montant des salaires majorés dus à ce titre au salarié.
Cette renonciation est possible même si l’accord collectif ne le prévoit pas. Le salarié fait connaître son choix de travailler davantage par la signature d’un avenant à la convention de forfait qui est conclu pour l’année de dépassement. Cet accord peut être renouvelé chaque année. Ni l’employeur ni le salarié ne peuvent imposer une renonciation aux jours de repos.
Le nombre de jours travaillés dans l’année ne peut excéder un nombre maximal fixé par l’accord collectif instituant le forfait jours. A défaut d’accord sur ce point, ce nombre maximal est de 235 jours.
Dans ce cas, le salarié ne peut renoncer, au maximum, qu’à 17 jours de repos pour un forfait à 218 jours. Un avenant à la convention de forfait détermine le taux de majoration applicable à la rémunération du temps de travail supplémentaire. Ce taux ne peut être inférieur à 10%. Le taux de majoration applicable étant déterminé dans le cadre d’un avenant conclu entre l’employeur et le salarié, il pourrait être possible de prévoir en théorie une majoration différente entre les salariés renonçant aux jours de repos. Une telle pratique pourrait cependant heurter le principe de l’égalité de traitement.
La renonciation ne peut porter sur l’intégralité des jours de repos. La renonciation ne peut pas porter sur les jours de repos obligatoires d’origine légale ou conventionnelle (congés payés légaux ou conventionnels, repos hebdomadaire, jours fériés chômés…).