UES : tout le monde est invité !

Droit syndical par Patricia Drevon, Secteur des Affaires juridiques

Un groupe d’entreprises s’agrandit en accueillant de nouvelles sociétés. La nécessité se fait donc sentir de revoir la représentation du personnel à l’échelle de ce groupe redimensionné.

Une organisation syndicale représentative avant l’agrandissement, n’est pas conviée à la négociation du nouveau périmètre de l’unité économique et sociale (UES) au prétexte qu’elle ne serait plus représentative suite à l’agrandissement du groupe. C’est ce litige qui a amené la Cour de cassation à se prononcer sur les accords portant création ou élargissement du périmètre dans un arrêt du 6 mars 2024 (Cass. soc., 6-3-24, n°22-13672).

Le syndicat demandeur au pourvoi, en l’espèce, argumente sur le fait qu’il résulte de l’article L 2313-8 du code du travail, que toutes les organisations syndicales représentatives dans les différentes entités juridiques qui composent ou vont composer l’UES doivent être invitées à la négociation de l’accord portant création ou modification de l’UES.

Selon le syndicat, la cour d’appel a violé cet article, en appliquant de manière erronée les articles L 2232-37 et L 2232-38 du code du travail, relatifs aux accords interentreprises. En appliquant ces articles, la représentativité des organisations syndicales a été recalculée en tenant compte des audiences de chacune des entreprises du groupe y compris les dernières arrivées.

Le nouveau calcul a eu pour effet d’évincer le syndicat, auteur du pourvoi en cassation, puisqu’il n’atteignait plus les 10% une fois les nouvelles entités prises en compte.

Or, l’UES est régie par les articles L 2313-8 et L 2313-9 du code du travail, la Cour de cassation donne ainsi crédit à l’argumentaire du syndicat, et rejette l’appréciation qu’avaient portée les juges du fond.

L’accord portant création ou modification d’une UES, n’est pas un accord interentreprises, les articles L 2232-37 et L 2232-38 n’étaient donc pas applicables, juge la Cour de cassation.

Il n’y avait donc pas lieu, et c’est le sens de cet arrêt, de recalculer la représentativité des organisations syndicales à l’échelle du groupe. Dès lors que celles-ci sont représentatives dans les entités qui composent ce groupe, elles doivent être conviées à la négociation qui a pour objet l’UES.

La Cour avait déjà adopté cette solution dans un précédent arrêt qu’elle a pris soin de rappeler dans la présente affaire (Cass. soc., 10-11-10, n°09-60451).

La solution paraît protectrice du droit syndical. Elle préserve les organisations syndicales déjà présentes et leur pouvoir de négocier, en refusant un nouveau calcul, qui aurait eu comme conséquence de réduire le nombre d’interlocuteurs à la table des négociations.

Un argument qui peut être séduisant pour la tenue des réunions, mais qui a comme inconvénient de nier la diversité du paysage syndical, et également celle des opinions des salariés qui appartiennent à des groupes.

Patricia Drevon Secrétaire confédérale au Secteur de l’Organisation, des Outre-Mer et des Affaires juridiques

Secteur des Affaires juridiques Le secteur des Affaires juridiques apporte une assistance juridique à la Confédération dans sa lecture du droit et dans la gestion des contentieux.

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