Utilisation des heures de délégation : doit-on informer l’employeur ?

Droit syndical par Patricia Drevon, Secteur des Affaires juridiques

Afin d’assurer la bonne marche de l’entreprise et de comptabiliser les heures de délégation utilisées au cours du mois, l’employeur peut exiger que les salariés élus (membres du CSE) ou désignés (DS, RSS…) l’informent avant de prendre leurs heures.

Attention, cette information n’est pas une demande d’autorisation. Elle ne doit donc pas avoir pour effet d’empêcher le représentant du personnel d’effectuer sa mission.

Plusieurs systèmes d’information peuvent être utilisés : avertissement du supérieur hiérarchique au début et à la fin du temps passé à l’exercice de ses missions, badgeage, recours à un registre écrit ou à des bons de délégation.

Les bons de délégation ne peuvent être mis en place de manière unilatérale par l’employeur mais doivent résulter d’une procédure de « concertation » avec l’institution représentative concernée et/ou les syndicats (Cass. soc., 10-12-03, n°01-41658). Une mise en place unilatérale des bons de de délégation est illicite et constitue un délit d’entrave (Cass. crim., 10-3-81, n°80-01570).

Dans le cas où il existe des bons de délégation, il ne peut être demandé aux représentants du personnel d’indiquer le motif précis de leur absence (Cass. soc., 12-6-07, n°06-40957).

En revanche, l’employeur peut, après vous avoir payées les heures de délégation, demander d’indiquer les activités pour lesquelles elles ont été utilisées (Cass. soc., 15-12-93, n°91-44481).

Également, l’employeur ne peut exiger la mention précise du lieu d’utilisation des heures de délégation. Il peut uniquement demander si l’utilisation des heures de délégation s’effectue ou non à l’intérieur de l’entreprise.

Dans le cadre de cette obligation d’information, il peut être demandé au salarié élu ou désigné de respecter un certain délai de prévenance avant d’utiliser son crédit d’heures. Ce délai de prévenance, qui doit être court par nature, dépend du poste occupé et de la nature du travail. Dans certaines circonstances, comme l’urgence, le défaut d’information préalable ne peut pas être reproché au salarié élu ou désigné.

Toutefois, une information de dernière minute, de nature à nuire à l’organisation du travail, peut être considérée comme fautive s’il est prouvé que le salarié élu ou désigné savait depuis trois semaines qu’il aurait à s’absenter un jour précis (Cass. soc., 12-2-85, n°82-41647).

Le refus de se soumettre à l’obligation d’avertir préalablement l’employeur peut justifier une sanction, pouvant aller, dans certains cas, jusqu’au licenciement pour faute grave. Si le fait de refuser d’utiliser des bons de délégation mis en place régulièrement est passible de sanctions disciplinaires, ce refus ne peut entrainer une retenue sur salaire (Cass. soc., 19-6-80, n°78-41859).

Le salarié élu ou désigné peut utiliser son crédit d’heure à sa convenance. Ainsi, il peut le fractionner en plusieurs fois en fonction des besoins du mandat (Cass. soc., 11-12-01, n°99-43650). Rien n’interdit au représentant du personnel de consommer son crédit d’heures par tranche inférieure à une heure. L’employeur ne peut imposer la prise des heures de délégation par journée entière ou demi-journée par exemple (Cass. soc., 16-4-15, n°13-21531).

Il existe une exception pour les salariés en forfait-jours : l’article L 2143-13 instaure un mécanisme de décompte par demi-journées des heures de délégation (mécanisme supplétif s’appliquant à défaut de disposition spécifique prévue par un accord collectif). Une demi-journée correspond à quatre heures de délégation. Lorsque le crédit d’heures ou la fraction du crédit d’heures restant est inférieur à quatre heures, le DS qui en bénéficie au titre des heures additionnées sur l’année dispose d’une demi-journée qui vient en déduction du nombre annuel de jours travaillés fixé dans la convention individuelle du salarié.

Patricia Drevon Secrétaire confédérale au Secteur de l’Organisation, des Outre-Mer et des Affaires juridiques

Secteur des Affaires juridiques Le secteur des Affaires juridiques apporte une assistance juridique à la Confédération dans sa lecture du droit et dans la gestion des contentieux.