Inaptitude : Pas de cumul entre l’indemnité pour absence de notification et celle pour licenciement injustifié

Maladie - Inaptitude par Secteur des Affaires juridiques

Lorsqu’un employeur n’a pas notifié par écrit au salarié son impossibilité de reclassement, avant de le licencier, le salarié peut-il demander le versement d’une indemnité pour réparer son préjudice résultant de ce manquement, en plus de l’indemnité sans cause réelle et sérieuse ?

C’est la question qu’a tranché la Cour de cassation dans une décision rendue le 15 décembre dernier (Cass. soc., 15-12-21, n°20-18782) [1].

Dans cette affaire, un salarié déclaré inapte à la suite d’une maladie non professionnelle, avait fait l’objet d’un licenciement. Les juges avaient constaté que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et avaient, en conséquence, condamné l’employeur à verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mais pour le salarié, les juges auraient également dû condamner l’employeur au versement d’une indemnité réparant le préjudice subi par lui, et résultant du défaut fautif de l’employeur de notification de l’impossibilité de reclassement.

Retour sur cette obligation.

Depuis la loi dite « Travail » du 8 août 2016 (loi n°2016-1088 entrée en vigueur le 1er janvier 2017, art. 102), et en matière d’inaptitude d’origine non professionnelle, l’employeur est tenu, lorsqu’il est impossible de proposer un autre emploi, de faire connaître au salarié, par écrit, les motifs qui s’opposent à son reclassement (art. L 1226-2-1 du code du travail).

Cette obligation existait déjà pour l’inaptitude professionnelle.

Lorsque cette obligation n’est pas remplie, la Cour de cassation a précisé que, l’absence de notification écrite des motifs de l’impossibilité de reclassement constitue une irrégularité de forme qui entraîne un préjudice ouvrant droit pour le salarié à réparation par le versement de dommages et intérêts (Cass. soc., 24-1-01, n°99-40263).

Il s’agit d’une jurisprudence constante, rendue en matière d’inaptitude professionnelle mais qui, selon toute vraisemblance, est transposable à l’inaptitude d’origine non professionnelle.

L’employeur fautif est donc condamné à verser cette indemnité même lorsqu’il a bien rempli son obligation de reclassement (Cass. soc., 25-11-20, n°19-16424), ou que la demande de dommages intérêts pour licenciement pour inaptitude injustifié n’a pas aboutie (Cass. soc.,22-6-16, n°15-14258).

En revanche, elle n’est pas exigée lorsque le salarié a refusé les postes de reclassement conformes proposés par l’employeur (Cass. soc., 24-3-21, n°19-21263).

Cette indemnité peut-elle se cumuler avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

Non. Selon la Cour de cassation : l’indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de notification écrite des motifs qui s’opposent au reclassement et l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se cumulent pas. Elles sont exclusives l’une de l’autre.

Autrement dit, si l’employeur a été condamné au paiement de dommages intérêts au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié ne pourra pas, en plus, obtenir une indemnité au titre du défaut de notification écrite des motifs qui s’opposent à son reclassement.

A l’inverse, si le licenciement n’avait pas été considéré comme injustifié, le salarié aurait été en droit d’obtenir l’indemnité pour non-respect de cette formalité.

Que penser de cette décision ?

Sur le plan strictement juridique, la solution est cohérente au regard des dispositions du code du travail et de la position de la Haute juridiction, adoptée en matière d’indemnisation en cas de procédure irrégulière.

D’abord, en matière d’inaptitude professionnelle, la Cour de cassation avait jugé dans une décision du 18 septembre 2019, (Cass. soc., 18-9-19, n°18-13522) que l’indemnité allouée en application de l’article L 1226-15 (licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle en méconnaissance de l’obligation de reclassement) inclut la réparation du préjudice pour défaut de notification écrite des motifs s’opposant au reclassement.

Cela a pour conséquence que les juges ne peuvent condamner l’employeur au paiement de l’indemnité pour licenciement abusif et également le condamner au paiement d’une indemnité pour défaut de notification.

En outre, l’indemnité pour absence de notification des motifs de l’impossibilité de reclassement, sanctionne une irrégularité des procédures, ce qui n’est pas sans rappeler les indemnités versées en cas de licenciement irrégulier (hors licenciement pour inaptitude professionnelle).

Or, l’indemnité pour licenciement irrégulier n’est due que si le licenciement est bien pourvu d’une cause réelle et sérieuse (art. L 1235-2 al 5 ; Cass. soc., 8-7-15, n°14-14303[[Cette sanction est applicable aux irrégularités de forme commises au cours de la procédure d’un licenciement pour motif personnel, d’un licenciement individuel pour motif économique ou d’un licenciement de moins de 10 salariés dans une même période de 30 jours.
A noter que ces solutions ne valent pas lorsqu’un texte prévoit expressément le cumul de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’une indemnité pour non-respect de la procédure. Tel est notamment le cas de l’article L 1235-12 à propos de l’obligation d’information-consultation en cas de projet de licenciement collectif.).

Autrement dit, dans cette hypothèse également, il faudra distinguer selon que le salarié perçoit ou non une indemnité pour licenciement injustifiée, pour dire s’il y aura versement d’une indemnité pour irrégularité de la procédure.

En somme l’irrégularité de fond supplante l’irrégularité de forme.

En opportunité, la solution est regrettable.

On pourrait considérer que l’indemnité prévue en cas de non-respect de l’obligation de notification et plus largement de non-respect de la procédure de licenciement, répare un préjudice, distinct, de celui résultant du licenciement injustifié.

D’ailleurs, lorsque c’est la nullité du licenciement qui est encourue, l’indemnité pour licenciement irrégulier se cumule avec celle prévue pour la nullité du licenciement. La Cour de cassation le justifie en considérant que le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que l’irrégularité de la procédure de licenciement soit réparée par le juge, soit par une indemnité distincte, soit par une somme comprise dans l’évaluation globale du préjudice résultant de la nullité du licenciement (Cass. soc., 23-1-08, n°06-42919).

De quoi relancer des débats sur la réparation intégrale des préjudices du salarié...

 

 

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Notes

[1A noter que la Cour de cassation précise dans cette décision que le montant de l’indemnité pour licenciement abusif, tel que plafonné par les barèmes prévus à l’article L 1235-3, doit être calculé et exprimé en brut. A défaut, la décision des juges encourt la cassation.

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