Licenciement du salarié protégé et enquête contradictoire

Rupture du contrat par Secteur des Affaires juridiques

Aux termes du premier alinéa de l’article R 2421-11 du code du travail : L’inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d’un représentant de son syndicat.

Cette disposition implique, pour le salarié dont le licenciement est envisagé, le droit d’être entendu personnellement et individuellement par l’inspecteur du travail, sauf s’il s’abstient, sans motif légitime, de donner suite à la convocation. Ce droit ne saurait être exercé collectivement, même si le salarié protégé demande à être entendu en même temps qu’un autre salarié protégé faisant également l’objet d’une procédure d’autorisation administrative de licenciement (CE, 8-11-19, n°412566). Si l’inspecteur du travail a entendu collectivement les salariés protégés, sa décision est illégale.

Dans une décision du 23 avril 2003, la Cour de cassation avait jugé dans le même sens, à propos de l’entretien préalable à un licenciement, en considérant que : L’entretien préalable au licenciement d’un salarié revêt un caractère strictement individuel qui exclut que celui-ci soit entendu en présence de collègues contre lesquels il est également envisagé de prononcer une mesure de licenciement, quand bien même les faits reprochés seraient identiques (Cass. soc., 23-4-03, n°01-40817).

Pour rappel, l’inspecteur du travail est tenu d’effectuer une enquête contradictoire en cas de demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé. S’il n’effectue pas une telle enquête, sa décision est entachée de nullité. L’audition du salarié, qui doit être personnelle, ne peut se faire en présence de l’employeur. L’inspecteur du travail ne peut suppléer à l’enquête contradictoire par un simple entretien téléphonique, ni s’abstenir de mener un tel entretien au motif qu’il aurait recueilli des éléments suffisants lors des auditions et des visites effectuées au cours d’un conflit social.

L’audition individuelle et personnelle vise à permettre au salarié protégé de présenter librement sa défense en dehors de toute pression. Le déroulement de l’enquête doit lui permettre de répondre aux motifs et arguments avancés par l’employeur au soutien de sa demande d’autorisation de licenciement ou en réplique à ses propres arguments.

L’inspecteur du travail fixe librement les modalités de l’enquête. Celle-ci peut se dérouler dans les locaux de l’inspection du travail mais également à l’intérieur de l’entreprise. Après avoir auditionné individuellement le salarié protégé, l’inspecteur du travail peut décider d’une confrontation entre les parties mais rien ne l’y oblige.

Il peut aussi entendre des salariés de l’entreprise. L’absence de confrontation entre le salarié protégé et les témoins ne vicie toutefois pas l’enquête.

A noter que le salarié protégé peut se faire assister par un représentant de son syndicat, s’il le désire, au cours de l’enquête. Ce représentant peut appartenir ou non à l’entreprise. L’inspecteur du travail convoquant le salarié à une enquête contradictoire n’est pas tenu légalement de lui rappeler la possibilité qu’il a de se faire assister. Dans la pratique, l’administration le rappelle généralement.

Le Ministère du travail et certaines cours administratives d’appel admettent que le salarié protégé, comme l’employeur, peuvent se faire assister par un avocat lors de l’enquête contradictoire (CAA Nantes, 26-3-15, n°13NT03326). Toutefois, l’inspecteur du travail doit garder la possibilité d’entendre ou d’interroger seul l’employeur pour les nécessités de l’enquête.

Le temps passé par le salarié pendant l’enquête doit être rémunéré. Il est imputé sur le crédit d’heures dont il dispose. A défaut de disposer d’un crédit d’heures suffisant, l’employeur est tout de même tenu de payer le temps passé lors de l’enquête.

Concernant les frais de déplacement, si le code du travail est silencieux, le principe qui veut que le représentant du personnel ne doit subir aucune perte de rémunération du fait de sa fonction impose, à notre sens, à l’employeur d’assurer la prise en charge de ses frais, sauf abus, celui-ci étant à l’initiative de la procédure.

La communication des pièces aux parties :
Le caractère contradictoire de l’enquête menée conformément aux dispositions de l’article R. 436-4 du code du travail impose à l’inspecteur du travail, saisi d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l’employeur et le salarié de prendre connaissance de l’ensemble des éléments déterminants qu’il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l’appui de la demande d’autorisation [...] Toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l’inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l’employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur (CE, 9-7-07, n°288295). Cette exigence de communication des pièces aux parties a été étendue à toute demande d’autorisation de licenciement, quel qu’en soit le motif, y compris en matière économique (CE, 19-7-17, n°309402).
Ainsi, le salarié doit pouvoir prendre connaissance de l’ensemble des pièces jointes par son employeur à l’appui de la demande de licenciement le concernant. L’employeur et le salarié doivent également pouvoir prendre connaissance des éléments déterminants qui auront pu être recueillis en cours d’enquête et qui sont de nature à établir ou non la réalité des faits allégués à l’appui de la demande. L’inspecteur du travail n’a pas nécessairement à transmettre systématiquement l’ensemble des pièces jointes à l’appui de la demande mais il doit transmettre au salarié une information claire et exhaustive des pièces ainsi que les modalités de leur communication.
Si l’inspecteur du travail peut se permettre de ne pas communiquer l’identité des témoins lorsque cette commutation serait de nature à porter gravement préjudice à leur auteur, l’inspecteur du travail doit systématiquement communiqué au salarié protégé l’identité des personnes s’estimant victime de ses agissements (CE, 24-11-06, n°284208). Il ne peut se retrancher derrière un éventuel risque de représailles de la part du salarié protégé mis en cause à l’égard des victimes présumés et ce, quelle que soit la gravité des accusations portées à l’appui de la demande (harcèlement moral ou sexuel).

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