Dans une décision en date du 14 mai 2019, la CJUE juge que les États-membres doivent veiller à ce que les employeurs mettent en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par un salarié (CJUE, 14-5-19, aff. C-55/18).
A défaut, il est impossible de déterminer la répartition dans le temps des heures de travail ni le nombre d’heures supplémentaires.
Les États-membres doivent garantir que l’employeur respecte les périodes minimales de repos et empêche tout dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail.
Pour rappel, la Cour de cassation a déjà jugé qu’il revient à l’employeur d’apporter la preuve du respect des temps de pause et des limites maximales de travail (Cass. soc., 21-2-13, n°11-21599 et n°11-28811). Le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation pour le salarié (Cass. soc., 11-5-23, n°21-22281).
L’employeur peut choisir librement la méthode pour décompter le temps de travail (registre, système de badge…).
La CJUE précise que les employeurs, en fonction des particularités propres à chaque secteur d’activité ou des spécificités de certaines entreprises notamment leur taille, peuvent adapter les modalités concrètes de mise en œuvre d’un système de contrôle.
Les juges européens soulignent toutefois que les modalités de contrôle se font sans préjudice de l’article 17 § 1 de la directive 2003/88, qui permet aux États membres de déroger aux articles 3 et 6 de cette directive lorsque la durée du temps de travail, en raison des caractéristiques particulières de l’activité exercée, n’est pas mesurée et/ou prédéterminée par les salariés eux-mêmes.
Autrement dit, le juge communautaire reconnaît que des situations particulières, comme le forfait-jours, permettent une certaine souplesse.
Sans remettre en cause le système des forfaits-jours en France, la décision de la CJUE pousse les employeurs à assurer le suivi des temps de repos (journalier et hebdomadaire) et non les durées maximales de travail.
Les accords collectifs mettant en place les forfaits-jours ne peuvent se contenter de prévoir des entretiens réguliers avec les salariés ou des déclenchements d’alerte en cas de charge de travail mal répartie. Ils doivent veiller à ce que les temps de repos soient assurés, les forfaits-jours ne permettant de se dédouaner que des règles sur les durées maximales de travail qui, en tout état de cause, doivent rester raisonnables.
Les salariés pourront à l’avenir s’appuyer sur l’arrêt de la CJUE pour fonder des demandes de paiement d’heures supplémentaires.
L’article 31, §2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui impose une limitation de la durée maximale du travail et reconnait le droit à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, est un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière.
Cet article peut donc être invoqué directement en droit interne entre deux particuliers.