Un syndicat diffuse un tract reproduisant partiellement les bulletins de salaire d’un délégué syndical d’une autre organisation syndicale au cours de différentes périodes de sa carrière, cela afin de démontrer une évolution significative de sa rémunération en échange
de la signature d’accords défavorables aux salariés, laissant supposer une corruption de certains délégués syndicaux.
Le salarié visé et son syndicat exercent une procédure judiciaire devant le TGI, fondée sur un abus de la liberté d’expression de l’autre syndicat entraînant une diffamation, un harcèlement et une atteinte à sa vie privée, et demandent des dommages-intérêts.
La cour d’appel de Paris reconnaît que ces tracts reproduisant les bulletins de paie du salarié portent atteinte à la vie privée du salarié, mais refuse d’accorder des dommages-intérêts car ce dernier ne rapporte pas la preuve d’une quelconque atteinte à sa réputation, sa carrière, ou à son image au sein de l’entreprise.
Sur pourvoi du salarié, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel (Cass. soc., 20 mars 2024, n°22-19153) :
La seule constatation de l’atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation.
Ainsi, les faits incriminés, de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération du demandeur, pouvant être constitutifs de diffamation ou d’injure au sens de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, portent nécessairement un préjudice au salarié.
La Cour de cassation en profite pour rappeler que la violation de la loi sur la liberté de la presse peut être réparée par d’autres textes, tels que l’article 9 du Code civil.
Enfin, cet arrêt rappelle, si besoin était, qu’un tract syndical, certes protégé par la liberté d’expression, ne permet pas d’en abuser…
L’article L 2142-5 du Code du travail dispose :
Le contenu des affiches, publications et tracts est librement déterminé par l’organisation syndicale, sous réserve de l’application des dispositions relatives à la presse.
L’article 9 du Code civil dispose :
Chacun a droit au respect de sa vie privée.
L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose :
Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure.